S'il y avait bien une chose que Charlie détestait concernant sa nouvelle vie de célébrité, c'était bien le fait de ne plus pouvoir aller à la plage quand elle le voulait, sans craindre d'être harcelée par les paparazzi ou agressée par des fans. Pourtant, elle avait toujours adoré la mer. Rien ne pouvait l'apaiser plus que le mouvement hypnotique des vagues, sentir le sable crisser sous ses pas et le soleil brûler sa peau. C'était donc presque inconsciemment qu'elle s'était rendue à Venice Beach, ne sachant plus exactement où était sa place. L'appartement dans lequel elle vivait était devenu oppressant, une prison de luxe de laquelle elle cherchait sans cesse à s'échapper. Il était tout simplement hors de question qu'elle se présente au siège de Sloan Group, et elle se voyait mal rendre visite à sa mère. La vérité c'était qu'elle lui en voulait, à elle plus qu'aux autres. Elle lui en voulait et elle ne savait même pas pourquoi. Ce n'était pas sa faute après tout, si l'homme avec lequel elle s'était liée avait fait surface abruptement, réclamant un dû qui ne lui appartenait pus depuis longtemps. Mais Charlie avait beau trouver toutes les excuses du monde, elle n'arrivait pas à se départir de la colère qu'elle ressentait à l'égard de sa mère.

« Hey! Charlie! Ça va ma belle? Tu peux faire un sourire? T'as pas l'air dans ton assiette, aujourd'hui. » La jeune fille ignora superbement les questions et les réclamations des paparazzi qui la suivaient, ne leur accordant même pas un regard sous ses lunettes de soleil. Comme si elle avait besoin de ça. Elle souhaitait juste qu'on la laisse tranquille, qu'on l'oublie une fois pour toutes, qu'on l'efface de l'histoire du monde au moins un instant. Elle avait besoin de respirer, de prendre une nouvelle goulée d'air pour repartir, mais le star-system semblait particulièrement décidé à lui garder la tête sous l'eau. Elle s'assit à même le sable, après avoir enlevé ses sandales, et ferma les yeux. Le calme et la sérénité dans lesquels elle était pongée depuis maintenant plusieurs minutes fut rompu par la sonnerie de son portable. Elle jeta un coup d'œil à l'écran, puis l'enfouit au fond de sa poche lorsqu'elle y lut le nom de Jamie. Dans la liste des personnes à qui Charlie en voulait le plus, son agent arrivait ex-aequo avec sa mère. La jeune femme lui avait fait croire à des tas de rêves, elle l'avait convaincue que la vie à sous son aile serait fabuleuse, mais en dépit de ses belles promesses, elle l'avait lâchée au moment où Charlie avait le plus besoin d'aide. Son portable sonna encore de nombreuses fois, et elle finit par le couper.

« Tu devrais faire attention, tu es suivie de près... » Charlie ouvrit brusquement les yeux, tirée de ses rêveries par un voix féminine, et retint un soupir agacé lorsqu'elle l'identifia comme appartenant à Jamie. En voilà une autre qui ne comprenait pas le concept de laisser quelqu'un tranquille. Elle haussa les épaules puis détourna finalement les yeux, reportant son attention sur le ruban bleu que représentait l'océan. « Comme si j'en avais quelque chose à foutre. » Elle se tut, bien décidée à ne plus lui adresser la parole. Il était clair qu'elle souhaitait se montrer désagréable. Il était évident aussi qu'elle n'y arrivait pas. On aurait dit qu'aux côtés de Jamie ses artifices et ses jeux d'actrices ne valaient plus rien, ce qui était franchement gênant. Elle ne savait plus ce qu'elle devait faire. Elle ne savait même plus où elle en était. Contre toute attente, l'agent se décida pour elle, en soufflant un « Je suis désolée, Charlie. » qui fit presque sursauter la concernée de surprise. « Désolée pour quoi exactement? Pour mon père? Pour avoir brillé par ton absence quand j'avais besoin de toi? Pour avoir affirmé que tu m'aiderai alors que tu savais parfaitement que tu ne le ferais pas? Ou alors, pour m'avoir donné ta carte de visite, ce fameux soir, il y a quatre ans? Éclaire moi. » Elle aurait voulu garder un ton indifférent, mais sa voix se brisa sur la toute fin, révélant l'étendue de sa vulnérabilité. La jeune femme lui demanda alors si elle tenait le coup, et Charlie crut pendant un instant qu'elle allait craquer, lui confier tout ce qu'elle avait sur le cœur, et que Jamie se contenterait de la consoler. Mais ça ne dura qu'un instant. Tout en évitant de la regarder, elle lança:

« Et bien, mis à part le fait qu'un homme qui a disparu dans la nature pendant dix-neuf ans réapparaît comme par magie pour me dire devant tous les États-Unis qu'il est mon père, que j'en ai marre de cette foutue vie, marre de voir dans tous ces magazines une Charlie Evans qui n'est pas moi, à part ça, je pense que je tiens le coup, ouais. »