✈ QUELLE EST LA DIFFÉRENCE MAJEURE ENTRE NEW-YORK CITY ET LOS ANGELES POUR TOI ? Moi j'aime pas le jeu des différences. Et puis de toute façon, ces deux villes sont aussi pourries l'une que l'autre. Dans la première, j'ai dû subir une rééducation culturelle, dans la deuxième j'ai foutu mon père en prison alors ne me parlez pas d'Amérique. Ici ou là, les gens se ressemblent. Ce sont des villes de bétons artificielles où l'on ne peut trouver sa place qu'en ressemblant à tout le monde ou en ayant du fric pour se payer son originalité. Le seul lieu que je daignerai encore vivre dans ce pays, c'est mon campus.
✈ SI TU AVAIS PLUS QU'UNE HEURE A VIVRE QUE FERAIS-TU ? Pfff, j'ai plusieurs idées, les plus immondes les unes que les autres. Pour faire dans le décent, j'irai gober tous les flambis de New-York. Le gobage de flambis, c'est génial ! Sinon j'irai danser un strip-tease autour de la barre du métro de New-York. 'Ai toujours rêver de le faire mais j'ai jamais été assez défoncée pour m'y coller. Ce sera toujours moins con que d'aller vandaliser le collège où on m'a taillé une réputation de tueuse, ou même plus réalisable que d'avoir une quelconque relation sexuelle avec Mick Jones – bien que je conçois le fait qu'il ne s'agisse que d'un fantasme des plus improbables.
✈ UN PETIT TRUC QUAND T'AS LE MORAL EN VRAC ? Je cours sur ce terrain, normalement réservé à la gente masculine, défoncer des minettes avec mon casque de Dark Vador devant des pom-poms girls. En gros je me fais une petite partie de football américain. Y'a que ça qui me permet d'évacuer cet sacrée rancœur. Sinon je dessine la ville la plus ignoble du monde – New-York pour les intimes – et je corrige tous ses défauts. Ça permet de me dire que je sais au moins faire quelque chose de bien dans ma vie; inventer la nouvelle architecture de la grosse pomme.
✈ LA CHOSE QUI TE FAIT VIBRER ? Ce qui me donne des frissons orgasmiques, c'est foncer sur cette blondasse et la plaquer à terre pour la forcer à te filer la balle. On se sent invincible durant ces moments. Comme si on pouvait surmonter le monde entier et le supporter sur nos épaules. On se sent vivant et on donnerait tout pour vivre une minute de plus. C'est mieux que la cocaïne, que le crack et que tout ce que tu veux. C'est la vie ! C'est se sentir immortel.
✈ OU AIMES-TU PASSER TES VACANCES ? Au Canada. Là-bas et nul par ailleurs. Ma grand-mère y habite, dans un village des plus perdus. Un tas de maisons jetés dans la montagne, au bord d'un lac immense. Que demander de mieux ? C'est un échappatoire. Tout ce que je demande, c'est quitter la réalité, celle qui ronge. Et là-bas, j'y arrive. Ici, à New-York, j'en suis incapable.
✈ QUEL EST L'ENDROIT OU TU TE SENS LE PLUS EN SÉCURITÉ ? Toronto, c'était une sacrée ville. Je m'y sentais bien, je n'avais rien à fuir. New-York, ça me fait peur. Los Angeles aussi. Je retournerai au nord un jour. Enfin bref, le seul endroit que je ne crains pas, ça restera toujours sur les tribunes d'un stade. Parce que là-bas, la solidarité règne entre tous les supporters de la même équipe. Peu importe si l'on connait toutes ces têtes, on est unis au même endroit pour la même cause et on se laissera pas tomber tant que ce sacré match sera pas fini, et gagné !
the last road to NYC
« C’est dans ses rêves que l’homme trouve la liberté, cela fut, est, et restera la vérité. » Dead poets society
Mon rêve aurait été de rester là-bas, tapie sous la neige de Toronto. Quand j'y retourne pendant les vacances et que je retrouve ces pins et ces lacs bleus turquoises au pieds des montagnes, aussi dignes que les palais d'un rêve héroïque, je me demande encore comment j'en suis arrivée à apprécier ces coupes de champagnes au coin de la cinquième avenue ou ces promenades le long de Central Park. Je me demande encore comment j'arrive à sortir dans ces boîtes de nuits qui empestent le fric ou à ces soirées étudiantes qui rendent sourds des kilomètres de voisinages à la ronde. Et en y repensant, tout a commencé un 4 juillet.
Un 4 juillet, fête nationale où les patriotiques enragés déferlent dans les rues, sifflotant l'hymne national d'un pas décidé vers le pub où ils passeront leur journée à se souvenir des grands hommes et des grandes lignes de l'Histoire de l'Amérique. Mais bien loin de cette Amérique-là je vins au monde, au troisième étage de l'hôpital de Toronto. Je me souviens de cette photo accrochée sur le frigo de la cuisine. On y voyait Blake, ma très chère mère, sortant de l'hôpital, son sac de peau fourré aux os – précisons qu'il s'agissait de moi - dans un beau couffin lui ayant coûté plusieurs centaines d'euros. Oui, je vous parle bien d'un couffin à 300 balles. Le pire était qu'il n'allait lui servir que trop peu pour rentabiliser la dépense énorme qu'il avait engendré. Effectivement, moi qui dormait dans ce luxueux panier ne comptais avoir ni frère ni sœur. Mes parents étaient déjà trop névrosés pour leur unique gamine, s'il fallait y ajouter un ou deux bambins en plus, la guerre exploserait. Et effectivement, la guerre éclata sur le front maternel et paternel. Si bien que mon père, plus raisonnable que ma stupide et superficielle maman, capitula quatre ans plus tard pour se replier à Los Angeles, une sorte de retour aux origines – le petit Reginald, il est né là-bas. Malheureusement, n'étant pas bien riche au départ et vassal du royaume de Blake, Reginald se rendit à la cité des anges, affaibli économiquement parlant. Il dut laisser son boulot de coach particulier pour devenir pompier, n'offrant pas ses services essentiellement aux plus fortunés. A partir de ce jour il pesta contre le capitalisme de droite et tout ce milieu VIP dont faisait parti son ex femme. Cette soudaine haine envers la débauche luxueuse ne l'empêcha pas d'aimer une riche donzelle pendant dix ans. M'enfin, cela ne fit ni chaud ni froid à la grande Blake. Étant la source de revenus principale dans le foyer, elle ne perdrait pas sa belle maison en banlieue de Toronto. Située à la périphérie de la ville, proche de la campagne, elle comptait élevée seule sa petite fille, Jill, âgée de trois printemps à l'aube du départ de son père pour le rêve américain. Enfin, élever, oui mais non. Blake, c'était une femme active, pas une nounou. Elle était avocate, et pas sous-payée. La maison était grande, le jardin donnait sur les montagnes traçant l'horizon et sur les lacs au pieds de la ville. Un coin de nature pure, près de la vie urbaine. Mais bon, les avocats, ça bosse dur. Et Blake avait tendance à négliger la pauvre petite fille que j'étais. Pour y remédier, elle m'inscrivit dès mes malheureux cinq ans dans le premier club de sport qu'elle trouva: le football américain. Officiellement, football canadien, bien que les différences entre les deux soient minimes. C'était dur à admettre. Avoir une mère qui inscrit son unique gamine à un club de football, cela pouvait être signe d'une déficience mentale. Peut-être étais-je comme toutes ces petites filles de rois; vouée à un avenir masculin. Ou alors je deviendrais une championne nationale et l'argent coulera à flot ! Cela étant, à mes débuts je me retrouvai seule dans une équipe masculine. Techniquement je souffrais - physiquement; un gamin de cinq c'est certes un gamin, mais c'est aussi une boule de muscles - à chaque entrainements, c'est-à-dire fréquemment vu que Blake devait combler ses constantes absences. Je me demandais si ma mère avait bien choisi le sport adéquate ou si elle se foutait de moi comme de sa première paire de chaussettes. Le résultat fut assez frustrant; à dix ans je dégommais tous les garçons de mon école dans la cours de récré, pour la simple raison qu'être celui qui compte à chaque partie de cache-cache devenait insupportable. Je passais donc le plus clair de mon temps à jouer à ce foutu football que je n'arrivais pas à quitter avec le temps. Plus je grandissais et gagnais en techniquement, plus je développais une foutue affection pour ce sport de brutes. Parallèlement à cette histoire d'amour naissante, je vécus une scolarité des plus monotones, rentrant dans les normes de la normalité, sans encombres ni cahot, agrémentée par des « amis pour toujours » jetés en l'air – chose qui affecta ma sociabilité vu que je subis un certain renfermement par la suite – mais aussi pimentée par des ballades bucoliques que j'effectuais seule dans un but proprement personnel à travers le paysage imposant et somptueux de ce Canada. J'étais amoureuse de ces forêt de pins dorés, de ces lacs gigantesques, de ces monts enneigés, et des marmottes hibernées. Ma mère, totalement indifférente de ma petite personne, m'abandonnant à mon club de foot, ne se doutait pas que j'aimais cette solitude et que ma capacité à mes faire des amis – appelons cela comme ça – régressait au fur et à mesure que je m'adonnais à la rêverie durant la contemplation de ces grands horizons. Le mieux était la semaine de vacance que je passais dans la campagne canadienne – la pure, pas la campagne de banlieue de Toronto - chez ma grand-mère, dans un petit village paumé au fin fond des montagnes de l'Ontario. Je rêvais effectivement peut-être trop pour un jour songer à partir.
« Cette ville pue comme un bordel à marée basse » Les Incorruptibles
Techniquement ce fut à partir de cette année-là que mon rêve américain commença. J'étais censée partir à sa conquête, de ce putain de rêve américain. Moi je m'en fichais comme de mon premier bavoir. Tout ce qui m'importait c'était mon autre rêve, celui que j'entretenais dans mon paradis terrestre situé au Canada et nul part ailleurs.
J'y grandis donc jusqu'à mes quinze ans, âge où maman décida de tenter sa chance à New-York. Mais je n'avais aucune envie de partir. Je m'y sentais coupée de la réalité. Et cette réalité, je n'en voulais pas, bien que je n'aie techniquement aucune idée de ce que pouvait bien être cette réalité. Et pour en rajouter une couche, je décidai de me renfermer sur moi-même, histoire de montrer mon mécontentement. Je demeurais froide au lycée. Mais comme tout le monde sait qu'il est assez éprouvant de perdre ses mauvaises habitudes, cette froideur et ce mystère que j'évoquais chez mes camarades de classes devint quotidien et non plus une colère et un caprice passager. Je ne montrais plus aucune affection. C'était que j'étais jeune et inutile à cette époque. Ce déménagement avait été pour moi une sorte de punition impitoyable que je me devais de subir. Pour quel motif ? Je n'en avais aucune idée. Je tentai par tous les moyens de trouver une solution à ce manque de verdure et de montagnes. Mes cours devenaient une éternités et je n'y trouvais aucun réconfort, appréciant seulement les secondes où le mot « Canada » ou n'importe quel nom commun s'y rapportant était énoncé. Je saisissais ces moments comme un gamin tente de saisir un papillon quand il n'a que six mois. Et le seul moyen que je trouvai fut l'architecture, aussi étrange que ce fut. Je pris goût à comparer les colossaux bâtiments de New-York aux pics enneigés de la campagne de Toronto. Je dessinais ma ville comme j'aurais dessiné un paysage. Toute la force que la nature de mon Canada natal m'avait montrée, je l'insérais par n'importe quel moyen dans mes croquis, de sorte que mes souvenirs d'enfance deviennent peu à peu la réalité de mon présent. Ce fut très étranges, cette période d'ailleurs. Ne me concentrant plus sur ce lycée à la noix qui ne valait pas plus que mon déjeuner du lundi à mes yeux. Je ne considérais pas cette institution comme un quelconque port d'attache, n'ayant aucune affection pour cette bâtisse ni pour aucun de ces lycéens prétentieux. Et ils ne me renvoyaient pas la balle. Chacun chez soi et basta !
De toute façon, la vie urbaine n'avait pas été conçue pour moi. J'aimais le naturel. Tous ces comportements superficiels que la jeunesse New-Yorkaise arborait me semblait être le summum de l'immondice. Pourquoi fallait-il toujours parler des dernières fringues achetées ou de la super soirée en boîte de nuit de samedi dernier ? C'était stupide, irrationnel ! J'étais un prophète prêchant la parole de maître Canada, et de Dame Nature. Il fallait agir devant cette mentalité qui ne convenait pas. Je redessinais déjà New-York à ma façon; bordée par des lacs bleus ciel, de la neige au sommet des immeubles, pics de béton. Mais prêcher la bonne parole seule, c'était pas drôle. Et qui m'entendrait ? Tout cela me fit prendre conscience de ce à quoi j'étais résignée: une petite étrangère insignifiante qui vivait sa vie, invisible aux yeux des autres. Le lycée fut ainsi encore plus déplorable que ma scolarité canadienne, bien que je supportais mieux la monotonie là-bas plutôt qu'ici. Je me sentais seule, tout me manquait. Je gardais en moi l'espoir d'y retourner. J'avais le mal du pays. J'avais été arrachée de mes pauvres origines. Et pour faire perdurer l'existence de mon paradis terrestre dans mes tristes souvenirs, je continuai à pratiquer le football, passant du canadien à l'américain et de l'amateur au compétitif, dégommant n'importe quelle minette me fonçant dessus (oui, j'avais enfin trouvé une équipe féminine). Au fond, on m'avait volé une part de ma liberté. L'Amérique, c'était minable, voilà. Et je ne me contentais pas de l'état absurde de New-York, non, depuis que j'avais déménagé, je connaissais aussi LA, m'y rendant un week-end sur deux pour tenir compagnie au pauvre père que Reginald était devenu. Je pouvais donc critiquer la Californie aussi. Ce désert fou où l'on créait des gens du showbiz, le monde de l'illusoire, bien que je ne vive pas dans cette partie-là de Los Angeles. Reginald habitait South Los Angeles, là où les voisins se serrent les coudes pour se sortirent de leur merde... et se lâchent quand il s'agit de dénoncer un dealer riverain. Bonjour la solidarité ! M'enfin, il fallait admettre que ce quartier n'était pas des plus sûrs, j'en avais la preuve...
« On peut abandonner son intégrité pour presque rien mais c’est tout ce que nous possédons réellement, tout ce qui nous reste à la fin. Et dans ce petit espace nous sommes libres. » V pour Vendetta
C'était un beau matin de printemps, des plus ensoleillés. J'avais enfin eu mes putains de dix-sept ans le mois dernier et venais faire ma visite bimensuelle. Reginald m'avait demandé d'aller faire les courses. Je me hâtai donc, et fus bientôt sur le chemin du retour. Ce fut là qu'une bande de cinq jeunes, l'air benêt mais inquiétant vint m'accoster sur le trottoir d'en face. Cela commença par de simples réflexions sur mon short – court, en raison de la saison - puis cela finit par des menaces. Ils demandèrent la liquidité et les courses. Je tentai de les cogner, étant une experte après un entraînement de douze ans de football. Mais ces gars-là rigolaient pas et avaient dégainé le couteau. Bien sur, un dimanche matin, il n'y avait pas un rat dans la rue et crier pour appeler à l'aide aurait été inutile. Ils prirent donc tous les sacs et mon porte-monnaie, après une baffe bien placée au-dessus de ma joue droite. J'appelai mon père sur le champ, observant avec mon œil au beurre noir de guerrière la direction que les jeunes prenaient. Reginald rappliqua sur le champ et tourna dans la rues des dits voyous. Je n'osai pas le suivre. Et j'eus raison. Boom, j'entendis un coup de feu. Je paniquai. Je saisis mon portable – bien caché lors du vol – et appelai une ambulance, persuadée que papa avait été blessé. Quand le fourgon clignotant arriva, je le suivis dans la ruelle et fus horrifiée de voir un des jeunes, mort à terre et mon père, saignant à côté sur le sol. J'appris plus tard que Reginald avait tiré et que les autres truands avait tenté de prendre leur revanche, mais l'ambulance arrivait trop tôt. Bref, il subit un procès de pointe et fut condamné à de longues années de prisons pour homicide volontaire. Je ne vous parle pas du choc qu'une jeune gamine de dix-sept ans peut ressentir. Je me tenais responsable de cet assassinat: si je n'avais pas appeler son père et que j'étais rentrée chez moi, sans chercher les ennuis, il n'y aurait eut ni mort ni prison. Le regret me hanta, l'amertume s'y joignant. Mon père avait ces menottes qu'on voit dans les films mais qu'on imagine jamais emprisonnant les mains de nos proches. Il était accompagné de deux grands gaillards. Je le vis partir dans le fourgon de la police, ceux où l'on y fourre les prisonniers. J'avais une sacrée boule dans la gorge en le voyant partir, comme si j'étais en train de regarder un film d'horreur des plus gores. Un crime de plus enterré dans l'histoire de South Los Angeles. Et un pieux dans la mienne, moi qui devais maintenant vivre avec ce fardeau. Un père criminel, c'était sacrément douloureux. Pour agrémenter le tout, les nouvelles circulaient si vite que mes très chers camarades compatriotes en furent informés avant mon retour à New-York. Ainsi, tout le lycée me craignait. J'étais devenue un monstre humain, une terreur criminelle. Tous m'évitaient, comme si j'avais l'intention de tuer le monde entier. N'étant pas populaire au départ, je devins ensuite l'attraction numéro un et le premier sujet de conversation abordé quand le silence trainait dans les discussions. Cependant, je gardais toute ma fierté. Ils avaient réellement peur de moi. La haine se ressentait partout et notamment dans le regard que portaient toutes ces petites vermines sur moi. Je ne supportai bientôt plus. Ça me dégoutait. Reginald avait beau descendre un homme, je resterai de son côté, pour sa dignité, bien que je ne cautionnerais jamais cet acte. Un jour, un grand gaillard âgé de deux ans de plus que moi, faisant deux fois mon poids, vint même m'insulter publiquement. Il s'approcha de ma frêle silhouette, pendant que j'essayais de prendre mon déjeuner, tranquillement, un midi. « Alors ton père, il se plait en taule. Pourquoi t'y vas pas ? C'est bien de ta faute pourtant ! » « Et toi pourquoi tu provoques les gens comme s'ils étaient aussi stupides que ta petite personne ? » Le gars n'apprécia pas et s'énerva. « Tout le monde a la trouille de se faire tirer dessus quand on te voit, pourquoi tu pars pas ? Va rejoindre ton père ! » Je laissai tomber mon sandwich sur la table et s'approcha dudit gars. Je le regardai du haut de mes baskets pourries, levant la tête vers lui d'un regard noir de haine et d'animosité à son égard. Je pris de élan et balançai mon poing contre sa joue droite. Il hurla de douleur et prit de colère me renvoya le coup que j'esquivai de justesse pour lui balancer mon genou dans le ventre. Toujours pas satisfaite, je finis en beauté, enfonçant mon coude dans ses côtes. Je ne le revis pas avant une semaine et lui n'eut de toute façon aucune envie de revoir la tronche qui venait de le dégommer. Bien sur, cet incident ne fit qu'enflammer la terreur des autres pour ma personne mais au moins, plus personne n'osait aborder le sujet de mon foutu père. Je me contentais de mener mon propre combat.
« On a voulu trouver le rêve américain alors qu’on est dans le vortex. Tu veux abandonner ? T’es conscient j’espère qu’on a touché le nerf central ! Oh regarde ! Il y a deux bonnes femmes qui baisent un ours polaire ! » Las Vegas parano.
A la fin du lycée vient le moment où l'on doit décider de tel ou tel chemin. Je suppliai ma très chère mère – qui, précisons, avait toujours été là absente au point de me faire aimer le foot, elle me devait donc bien ça - de me mettre dans une université à Toronto ou n'importe où tant qu'il était question de rejoindre mon paradis et mon maître Canada mais niet, je dus me contenter du campus de l'université de Columbia. Cependant, cette rentrée se présentait comme un nouveau départ. Personne ne me connaissait, moi non plus, tant mieux ! Je commençai alors mes études d'architecture, ne sachant que dessiner mes beaux monuments revisités aux couleurs du sirop d'érable, et songeant aux belles maquettes que je réaliserai en écoutant le folklore canadien. Je partageais une vaste chambre avec une fille que je ne croisais qu'une fois par jour: le matin au réveil. J'avais trouvé encore plus muette et invisible que moi. Et je ne désirais pas savoir ce à quoi elle s'adonnait en journée, me doutant de choses illicites. Et mis à part le fait que j'avais peur de me faire égorger la nuit, cela me permettait de savourer cette solitude que j'appréciais tant. Mais le campus, c'était l'université et l'université c'était pas pareil que le lycée. C'était un autre monde où je commençai à me plaire et mon vœu de silence, je le mis rapidement à la porte, participant aux vices de la jeunesse américaine, déjà plus mature et moins superficielle que les gamineries du lycée. L'indifférence qu'on me portait jusqu'à présent se transforma en curiosité et tout le monde désirait me connaître. Je me sentais utile et moins... transparente. Non pas parce qu'à cause de moi, on dut créer une équipe de football américain féminin, mais parce que j'avais le don – parait-il - de garder le mystère autour de moi. Ainsi, je découvris comment les jeunes new-yorkais pouvaient tuer leurs soirées, hors des semaines d'exams. Les boîtes de nuits, les bon restaus, les salles de concerts, les bars, ils connaissaient chaque adresse et tous les DJs de la ville. Et quand je ne me rendais pas à Los Angeles visiter mon père en prison – activité que je gardais secrète pour le bien communautaire – je suivais le mouvement et payais cents dollars la soirée – cents dollars que je piquais discrètement et subtilement à maman - pour rattraper la poignée d'années d'expérience qu'il me manquait par rapport à mes camarades, ivres continuellement depuis leur seize ans. Je connus aussi une catégorie spécifiques de divertissement: les garçons. C'était un terrain peu exploré de ma part, n'y ayant jamais vraiment pensé – hormis durant mes vacances avec des fermiers canadiens, et notamment une grande amitié crée lors de mes vacances chez grand-mère. Mais aujourd'hui, j'étais une vraie jeune fille, une belle blonde droguée au sport et au paysage de Toronto. Je faisais en sorte d'attiser l'œil et ne manquais pas de talents pour la drague. Je ne vous parle pas donc des fins de soirées, passées dans le studio, déserté par ma colocataire. Mais quand j'eus ma première relation sérieuse – et durable – on trouva le moyen de me gâcher la vie: mes regrets me rattrapèrent. On informa ledit petit ami des actes de papa et de son emprisonnement, causé en partie par sa fille (certaines rumeurs disaient même que je avais tué moi-même le gars en question). Le prétendant ne revint jamais me voir, pas même un appel. Je le croise de temps en temps sur le campus et peux distinguer dans son regard la frayeur. Je n'avais pas envie que la mascarade précédente ne recommence. Il était question d'abolir le vœu de silence. Ainsi fut-il, après deux goujats mis à terre par mes propres soins, les bobards à mon sujet cessèrent. Cela ne m'empêcha cependant pas d'arborer depuis une mine saturée de remords et de découragement. Je ne savais plus si je devais me considérer comme une bonne ou une mauvaise personne. Si tout ce bordel que j'avais causé était réellement de ma faute ou si la panique m'avait fait culpabiliser à tort. Ce que je savais, c'était que je devais prendre une revanche sur la vie.