interview

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE MAJEURE ENTRE NEW-YORK CITY ET LOS ANGELES POUR TOI ? Los Angeles est mon passé tandis que New York est mon avenir. J'aime NY, tous les magasins, les grands boulevards, les musées, les passants pressés, Central Park, tout. Los Angeles a un côté plus superficiel, le rêve Américain incarné par une ville qui semble détachée du monde. Et puis il n'y a même pas de vraies saisons à L.A., le soleil toute l'année? Une blague terrifiante.

SI TU N'AVAIS PLUS QU'UNE HEURE A VIVRE QUE FERAIS-TU ? J'essayerai de revoir au moins une fois l'un des tableaux qui m'a marquée. J’appellerai surement ma mère pour m'excuser et je passerai du temps avec Andrea en essayant d'oublier les minutes qu'il me reste. Je ferais tout ce que je n'ai pas pris le temps d'accomplir, les choses les plus simples comme m'allonger dans l'herbe à Central Park, manger un super size, monter dans la Statue de la Liberté. Je m'amuserai.

UN PETIT TRUC QUAND T'AS LE MORAL EN VRAC ? Boire un chocolat chaud sur les marches du Met, fumer une cigarette, manger de la glace, m'arrêter devant un tableau et ne partir que quand ça va mieux.

LA CHOSE QUI TE FAIT VIBRER ? Mon Blackberry? Découvrir une œuvre pour la première fois, sans hésiter. Ce moment où j'approche d'une toile et où je vois de mes propres yeux tous les détails de l’œuvre parvient toujours à me faire vibrer. C'est un instant où je me retrouve seule avec le talent de l'artiste et où j'essaye de comprendre ce qu'il a voulu transmettre.

OU AIMES-TU PASSER TES VACANCES ? A florence, pour tous ses musées. J'y suis déjà allé plusieurs fois et je n'ai pas encore tout découvert. La multitude d’œuvre là-bas est impressionnante, mais il y a beaucoup trop de monde, je préfère nettement me baigner dans des récifs de coraux et m'allonger sur une plage de sable blanc, même si le spectacle n'est pas le même.

QUEL EST L'ENDROIT OU TU TE SENS LE PLUS EN SÉCURITÉ ?Je ne me suis jamais vraiment sentie en sécurité quelque part. Aujourd'hui il est difficile de trouver un endroit qui ne soit pas susceptible de subir un attentat, ou ne serait-ce qu'une catastrophe quelconque. C'est pour cela que ça va plutôt dépendre des personnes avec qui je suis plus que de mon environnement.

the last road to ..

I - CHICAGO

Je n’arrive pas à comprendre. Comment un hollandais vivant au XVIIème siècle a-t-il pu peindre avec autant de détails une scène aussi banale et la rendre absolument fabuleuse ? J’ai l’impression que si je pense trop fort cette jeune fille va se réveiller et partir pour ne plus jamais revenir. Ce tableau m’hypnotise, je l’ai déjà vu des milliards de fois et pourtant j’ai l’impression de le redécouvrir maintenant que je le vois en face de moi, maintenant que je vois l’original. Les nuances sont beaucoup plus prononcées, contrastant avec la douceur du visage de l’endormie. Je n’arrive pas à saisir comment, mais Vermeer réussit à me calmer grâce à cette peinture. Cela fait dix minutes que je suis devant Une jeune fille assoupie et je n’arrive pas à en détacher les yeux. Le Metropolitan Museum of Art est un endroit magnifique, je ne peux pas le nier, mais il n’est rien comparé aux œuvres qu’il abrite. Malgré tous ces trésors, je suis bloquée devant ce Vermeer et n’arrive pas à me déplacer, passer à un autre tableau. Ce n’est pas un fait du hasard, cette toile, je l’ai vue pendant toute ma vie, accrochée dans ma cuisine, à côté du réfrigérateur. Je n'ai jamais pu m'imaginer autrement qu'étant la jeune fille assoupie, rêvant au prince charmant qui ne tarderait pas à revenir ; à mon père qui rentrerait bientôt. Il n'a pas encore retrouvé le chemin de Chicago, j'en ai bien peur, mais ça ne saurait tarder, j'ai encore quelques mois à attendre avant mes 18 ans, il ne pourrait pas rater ça. Je le vois déjà passer la porte, les bras chargés de cadeaux, un rictus aux lèvres qui parviendrait à me faire oublier ses années d'absence. J'ai confiance en lui, je sais qu'il va venir. Ma mère ne cesse de me répéter que je me fais des illusions, qu'il est parti bien avant ma naissance et qu'il ignore jusqu'à mon nom. Je sais qu'elle ment, elle l'a toujours fait parce qu'elle est jalouse de l'amour que mon père me porte alors qu'il l'a quittée. Cela fait des années que j'essaye de passer outre sa jalousie maladive, mais je n'y parviens pas : elle m'insupporte et c'est surement pour ça que dès ma plus tendre enfance j'ai commencé à lui mener la vie dure. J'imagine que c'est réciproque, car elle ne voit aucun des efforts que je fais, j'ai des notes admirables, un comportement irréprochable en cours, des petits copains respectables, des amies adorables, et pourtant j'ai l'impression que ça ne lui suffit pas. Elle veut quelque chose de plus et je n'arrive pas à saisir quoi.

Une main se pose sur mon bras alors que je suis plongée dans mes pensées, les yeux rivés sur le Vermeer. Je tourne la tête à contrecœur et me retrouve nez-à-nez avec le vigile. Le petit sourire qu'il arbore me donne l'impression qu'il est amusé par la situation, j'imagine que j'ai dû me mettre à rire ou à soupirer toute seule pendant ce grand moment de réflexion, je ne m'en suis même pas rendu compte. Il retire sa main, garde ce même sourire aux lèvres et jette un coup d'œil à sa montre. Je ne vois pas où il veut en venir puis je regarde autour de moi. Le musée est vide, il n'y a que le vigile et moi dans la galerie. Il fait nuit dehors, les lumières s'éteignent dans la salle à côté, j'entends les autres gardiens discuter entre eux des horaires qu'ils s'apprêtent à faire. Mon vigile relève la tête vers moi, je crois que je commence à comprendre ce qu'il se passe avec du recul. « Le musée va fermer mademoiselle, je suis désolé, mais vous allez devoir quitter les lieux. Il est 21 h 10, deux appels ont déjà été passés dans les hauts parleurs pour prévenir... ». Je baisse la tête, gênée, mes joues rougissent. Je ne veux pas partir, je veux rester dans ce musée toute ma vie quitte à ne jamais revoir ma mère ou mes amis. Mes yeux se dirigent malgré moi une dernière fois vers la toile. « C'est un magnifique tableau, n'est-ce pas ? La tristesse de cette femme bouleverse beaucoup de monde ». Je m'apprête à acquiescer quand j'entends la suite. Cette jeune fille, triste ? Je l'ai pourtant toujours vue comme étant nostalgique, se lamentant seulement de son amour qui ne saurait la faire attendre plus longtemps. « La tristesse ? Elle n'est pas triste, elle est amoureuse... » dis-je sans quitter le tableau des yeux. J'entends alors le petit rire du vigile et le regarde, il a croisé les bras et affiche ce sourire qui dit clairement qu'il est sûr d'avoir raison. « L'un et l'autre vont souvent de paire vous savez... Mais cette femme là n'attend pas, ou en tout cas elle n'attend plus. Elle a été trompée voyez vous et maintenant elle dort, car elle est épuisée d'avoir tant pleuré ». Je regarde ce vigile, puis le tableau. Il a raison. Cette femme n'attend pas son prince, elle a compris qu'il est parti pour toujours et qu'il ne reviendra pas. Ma mère avait raison. Mon père ne s'apprête pas à rentrer à Chicago d'ici quelques mois, il est parti point, l'histoire s'arrête là. Si j'ai autant espéré, c'est parce que je le savais, c'est apparu comme une évidence au moment où l'homme face à moi a prononcé ces mots. Je comprends enfin pourquoi ma mère n'a jamais été fière de moi, c'est parce qu'elle savait que malgré tout, si je persévérais dans mes illusions, je finirais brisée. Elle n'a pas tort, la vérité fait mal, mais moins que le déni probablement. Je ne veux plus vivre comme ça, je veux changer d'air et oublier que je me suis trompée sur toute la ligne depuis le début : prendre un nouveau départ. D'ici deux mois, je n'attendrai pas mon père assise à une table, non. Je prendrai l'avion et viendrai m'installer ici et je contemplerai mon bout d'espoir encore un peu plus. Je souris au vigile « Vous avez surement raison. Je devrais y aller, on m'attend ».


II - LOS ANGELES

Il fait chaud, beaucoup trop chaud. Je n’aime pas cette ville, pas ces vêtements, pas ces chaussures et cette maison. Je déteste Los Angeles. Les gens jugent beaucoup trop le moindre passant qui aura le courage de mettre un pied dans une des rues de leur ville. Parce que oui, c’est leur cité ici, pas la notre, on ne peut pas souhaiter en faire partie avant d’avoir fait ses preuves. Or ce n’est pas mon cas. Plutôt celui de mon mari. Je suis mariée, ce mot sonne encore bizarrement dans ma tête, comme si c’était contre nature d’être engagée à seulement 23 ans. Mais je l’aime, j’aime Charlie Jackson. Enfin je me dois de rectifier, je l’aime quand il est à la maison, quand je peux être sûre qu’il ne fait rien de complètement stupide pour notre couple. Mais je me dois de me raccrocher à lui, parce que je n’ai plus que ça : nous. Je n’ai pas de travail, pas d’amis, je ne m’amuse même pas dans la villa que l’on vient d’acheter. Pire que ça, je n’ai plus accès à l’art. Il y a quelques musées, certes, mais aucun ne vaut le Met. Van Gogh, Renoir, Rembrandt, Leutze, Velàzquez et tant d’autres me manquent. Je me sens vide, comme si une partie de moi était restée dans les galeries de New-York. Je n'appartiens pas à Los Angeles, je ne serais jamais l'une de ses habitantes, mais je ne peux pas partir. Cet anneau à mon doigt me retient, et dans les moments comme celui-ci, ou je suis seule à la maison depuis le début de la journée, j'ai l'impression qu'il pèse bien plus lourd qu'en réalité. Je suis assise dans le canapé, contemplant ce fardeau qui m'apporte autant de bonheur que de regrets. Les moments comme celui-ci sont de plus en plus nombreux, je réalise que plus le temps passe et plus Charlie s'éloigne, il est distant et froid avec moi alors que je m'efforce de rester la même. Mais le problème ne vient pas de moi, c'est lui qui a changé. La notoriété l'a rendu orgueilleux, il s'aime plus que quiconque, plus que moi. L'homme que j'ai épousé, l'acteur qui recherche le succès, mais qui fait tout son possible pour continuer à me faire sourire au moindre de ses mots malgré l'absence de reconnaissance. Je regrette. Pas mon mariage, non. Je regrette de l'avoir poussé à aller plus loin, à chercher la gloire, à partir pour LA. Mais aujourd'hui il est heureux et c'est un facteur qui n'est pas négligeable. Je réalise que l'égoïste du couple n'est peut-être pas celui auquel on pense quand la porte de l'entrée claque derrière moi.

Je me retourne vivement, un sourire aux lèvres, prête à accueillir Charlie comme il se doit. Il m'embrasse brièvement la joue avant de se poser à côté de moi, je grimace. Il put l'alcool et sa mine déconfite confirme ce que je pensais : il est complètement ivre. Il tourne alors son visage vers moi d'une manière automatique, un sourire nait sur ses lèvres. « Je t'aime Sloanie ». Je hais ce surnom autant que je hais le rictus qu'il affiche. Je me retiens de soupirer, encore une fois. Un bref silence s'installe, il s'attend à ce que je réponde la même chose, mais ce soir, je ne suis pas certaine d'en être capable. J'ai attendu toute la journée pour le voir et je me retrouve finalement face à un homme ivre qui empeste la dure journée de travail et le whisky glace. « Je t'aime aussi Charlie » dis-je au bout de quelques minutes, pas totalement convaincue de ce que j'avance. Son regard se fige, je vois la colère monter peu à peu dans ses yeux. « Ben, je m’appelle Ben ! Ca fait quatre mois qu’on est mariés et tu n’as toujours pas imprégné mon prénom ! Pauvre conne ! ». Il s’est levé précipitamment, et m’a craché ça à la figure avant de monter les escaliers. J’entends la porte de la salle de bains claquer alors que je retiens mes larmes. Il n’est plus le même, il en modifie même son prénom optant pour ce nom de scène ridicule. Je me mords la lèvre inférieure en encerclant les jambes de mes bras. J’aime mon mari, mais je ne suis pas sûre de pouvoir vivre avec ça pendant encore très longtemps…

Son téléphone est sur la table basse, je parviens enfin à me calmer quand il se met à sonner. D’ordinaire, je n’aurais jamais fait ça, mais là je suis vexée et j’ai besoin de me sentir un peu plus proche de lui : quoi de mieux que de fouiller dans son portable pour cela ? Je saisis l’appareil en m’attendant à voir le nom de son agent s’afficher. Mike n’a pas pu se transformer en Rebecca en une nuit, j’ai beaucoup de mal à y croire. J’ouvre le message avant même d’avoir le temps de considérer la chose. En moins de quatre secondes le portable finit par terre et je monte les marches quatre à quatre pour rejoindre ma chambre. Mes pensées filent à toute allure, je réfléchis à trop de choses en même temps pour qu’elles soient cohérentes. Aussi je ne prends que le nécessaire, je compte voyager léger. Mon sac est bouclé en sept minutes, Charlie est encore sous la douche. Je marque un arrêt net, j’ai l’impression d’oublier quelque chose. Mes yeux se posent sur ma main gauche, sur l’annuaire pour être exacte. Je retire mon alliance et la met dans ma poche avant de descendre les escaliers et de claquer la porte d’entrée. Je rentre à New York.

III - NEW YORK

Il fait nuit. J'écrase ma cigarette dans le cendrier avant d'aller vérifier que toutes les fenêtres de la galerie sont fermées. Il n'y a encore aucun tableau, les murs sont tout juste peints, certes, mais je ne veux pas qu'il arrive quelque chose de malheureux à ma nouvelle acquisition. Je souris en pensant au magnifique cadeau que m'a fait Charlie, il a été très généreux cette fois-ci, beaucoup plus que pendant les six mois durant lesquels j'ai dû travailler à la Katrina Bakery. Ce n'était pas déplaisant de retrouver New-York, c'est vrai, et le travail à la boulangerie était loin d'être horrible, mais le passage de la villa à L.A. au taudis à Brooklyn m'a quelque peu refroidie. J'étais néanmoins toujours plus heureuse que dans la Cité des Anges, j'avais retrouvé mes tableaux, mes amis, ma ville. Cependant, je n'ai jamais autant regretté d'avoir suivi Charlie qu'au moment où j'ai réalisé que j'avais abandonné mes études pour lui. Aucune qualification équivalant à Manhattan à un abonnement au chômage. La situation a bien changée depuis puisque je peux me permettre d'acheter une galerie au plein coeur de la Grosse Pomme.

L’un des ingénieurs m’attend près de la porte, insistant pour m’accompagner chez moi, craignant pour ma « sécurité ». Le verrou enclenché nous commençons à avancer dans la rue. Le silence est rapidement rompu pas les paroles de l’homme à mes côtés. Ses efforts pour faire la conversation me font sourire et je tente de rebondir autant que faire se peut. C’est alors qu’il s’arrête, l’air ébahi comme s’il venait de réaliser quelque chose. « J’ai regardé un film hier, et je me disais bien que je vous avais vu quelque part, mais ce n’est que maintenant que je fais le rapprochement. Vous ne seriez pas la femme de Ben Jackson ? ». Mon sourire se fige quelques secondes à l’évocation de Charlie puis se mue en rictus amusé. « Ex-femme ». Ma réponse est courte et mon ton distant, plus que je ne l'aurais voulu certainement. Je ne souhaite pas évoquer mon divorce ou les éléments de mon passé avec un inconnu, une personne qui s'inquiétera plus du genre de choses que mange mon ex-mari que des raisons de notre divorce. Malgré les quelques millions que m'ont apportés cette rupture, je préfère ne pas aborder le sujet qui reste sensible : j'ai été trompée et c'est suffisamment humiliant pour que je veuille le garder pour moi. Je réalise alors que je n'ai pas envie de me faire ramener chez moi par un homme qui s'arrête à mon mariage. J'adresse un sourire poli à l'ingénieur et lui explique que j'ai un changement de plan, il me salue et s'en va, l'air légèrement contrarié. Je sors mon portable de ma poche et compose un numéro que je ne connais que trop bien. « Andrea ? C'est Sloane, qu'est-ce que tu fais ce soir ? ». Cette personne est mon avocat, à l'origine un client de la boulangerie qui m'a permis de retirer tout cet argent à Charlie. C'est avec lui que je veux passer ma soirée, comme souvent dernièrement. Il me plaît.

postscriptum.

Appelez moi Man', j'vous en prie j'ai que 16 ans, Madame c'est un peu disproportionné AHAH J'suis en première et je passe donc ma première partie du bac sous peu, donc hormis cette période, il est probable que je me connecte tous les jours. Pour ce qui est de l'activité, j'essayerai de répondre le plus vite possible (: Et surtout n'oubliez pas,
VIVE LES PONEYS