You should stop, before it's too late — Jamie & Samuel

Pour la quinzième fois aujourd'hui au moins, Jamie raccrocha en entendant la voix de Samuel Alfred Lloyd pré-enregistrée pour le message de son répondeur. Elle soupira. Il n'était même pas midi et elle avait l'impression que la journée ne se terminerait jamais. Ce type ne se rendait pas compte, mais elle ne lui refilait pas des scénarios pour qu'il en fasse du papier toilette, quand même ! Elle avait des comptes à rendre, derrière. Des gens qui le voulaient, lui, et exigeaient une réponse. Et qui, du coup, saturaient sa boîte mail, son répondeur et la réceptionniste de messages pressants. Le délai qu'ils lui avaient fixé était échu depuis hier et ceux-ci ne semblaient pas apprécier que Monsieur Lloyd et surtout, Sloan Group ignore leur requête. Si d'ordinaire, la pression rendait Jamie plus efficace, elle devait avouer qu'aujourd'hui, l'atmosphère était bien trop tendue pour qu'elle réussisse à y voir clair. D'autant qu'elle ne pouvait pas aligner deux mots sans qu'une sonnerie quelconque lui rappelle cette épine dans le pied. L'espace d'un instant, elle se surprit à s'imaginer de l'autre côté du pays, dans ses bras à lui. Cette vague pensée la terrifia aussitôt et elle l'éloigna en ordonnant sèchement à un assistant de s'occuper du producteur impatient pendant qu'elle gérait le problème Lloyd.

Elle attrapa donc ses clés de voiture et sauta en direction de Playa del Rey. Elle connaissait malheureusement bien le chemin. Heureusement pour lui, il n'habitait pas très loin de l'agence. Faute de quoi, elle aurait été passablement plus énervée en arrivant chez lui. Après plusieurs minutes de route, elle se gara en bas de l'immeuble où Samuel vivait. Le portable en silencieux et le sac sur l'épaule, elle se dirigea d'un pas pressé vers l'appartement, faisant rageusement claquer les talons hauts qu'elle portait. Arrivée devant la porte, elle enfonça la sonnette à plusieurs reprises, soupçonnant que sinon, il ne viendrait pas ouvrir. Elle attendit quelques (longues) minutes avant que la porte ne s'ouvre et qu'elle découvre un mec débraillé, les cheveux en bataille, la barbe de trois jours. Ok, il venait de se lever, apparemment. C'était bien digne de lui. Et puis surtout :

"Tu empestes l'alcool, Samuel"

Elle lui balança ces quelques mots en guise de bonjour. Elle avait suffisamment pris de pincettes avec lui, elle avait tâché de se montrer conciliante. Mais visiblement, ça ne servait à rien. Et les gens ingrats, Jamie ne supportait pas cela. Encore moins quand elle passait une sale journée. Elle grimaça en le détaillant rapidement de la tête aux pieds puis fraya son chemin dans l'appartement qu'il occupait. A en juger par l'odeur, il n'avait pas dû ouvrir les fenêtres depuis quelques jours, signe qu'il était en plein doute existentiel ou un truc du genre. Elle fut rassurée dans cette pensée en voyant que ménage et rangement avaient dû être proscrits depuis un moment déjà. L'agent soupira légèrement après avoir parcouru la pièce du regard puis se tourna vers l'acteur. Elle expliqua la raison de sa venue, persuadée toutefois qu'il devait s'en douter :

"Tu ne réponds pas à mes appels alors je me permets de venir te voir. J'ai bien fait, apparemment."

Elle ravala un "c'est toujours aussi accueillant" qui aurait pu être mal perçu. Elle n'était pas là pour faire la guerre ou s'énerver pour rien comme le faisait Allen. Ce n'était pas son genre et puis, se mettre des clients à dos n'était pas une des meilleures tactiques qui puisse exister pour assurer la pérennité de leur agence. Encore que, vu les services que Jamie lui avait rendu, Samuel serait bien ingrat de lui en vouloir pour un mot de travers. Elle le fixa un instant avant d'ouvrir son sac et sortir une copie du script qu'elle lui avait donné il y avait deux bonnes semaines. Elle lui tendit, évitant par là les légendaires "oh, je ne sais plus où il est", tout en disant :

"Je suppose que tu l'as lu. Ou du moins parcouru. Je t'avais demandé de me répondre avant lundi. On est mercredi et le producteur me harcèle pour une réponse. Alors, je ne partirai pas d'ici sans que tu m'aies dit ce qu'il en était."

Clairement, la réponse ne devait pas être non. Ça aurait été celui de trop. Si Samuel était assez malin, il réussirait à le lire dans son regard. Ou quoique, il était capable de répondre par la négative juste par goût de la rébellion.

Spoiler:

La raison de la venue de Samuel à Los Angeles était dès plus simple. Relancer sa carrière d'acteur. Rien de plus, rien de moins. Pour sûr, si le cinéma ne l’intéressait plus autant, il ne serait pas venue aux États-Unis. Ce pays ne l'inspirait guère, mis à part pour se refaire un nom. Quitte à se morfondre, autant rester dans son pays d'origine. La dépression a ce même goût amer aussi bien sous le soleil brûlant de la Californie, que dans la brume londonienne.

Affalé de tout son long sur son canapé d'un blanc éclatant et qui contrastait avec le reste de l'appartement, Sam était sur le point de s'endormir. Les grammes d'alcool qu'il avait dans le sang depuis la veille au soir ne s'étaient pas encore évaporés et la nuit avait été assez courte pour le britannique. Sa main droite pendant dans le vide, se détendait petit à petit, alors que ses yeux eux, se fermaient à mesure que tout son corps se relaxait. La faim tiraillait Monsieur Lloyd, mais il n'en avait que faire. Le manque de sommeil était trop important pour se permettre de faire autre chose. Son autre main, tenait fermement un bout de tissu sur son torse. Ce dernier représentait un lapin en peluche, seule chose qui le rattachait à sa fille qu'il n'avait jamais connu. Samuel avait de lui même fait l'achat – en fait il avait fait tous les achats nécessaires pour sa fille, avec son propre argent et son ex-fiancée était partie avec tout – de cette peluche et n'en avait touché mot à Lilly car il désirait lui faire la surprise le jour de la naissance de leur fille. Sensible comme il était, Sam n'avait pu se séparer de ce bout de tissu qui devint pour lui l'objet dont il ne pouvait plus se séparer.
C'est la peluche contre son cœur, que sa respiration se fit plus lente et qu'il put enfin dormir en paix, lorsque une ou plutôt des sonneries stridentes se firent entendre. Samuel se redressa sur son canapé dans un sursaut impressionnant. Son cœur se mit à battre la chamade et il respira longuement pour se calmer. La rage se mêla au désespoir de ne pouvoir point dormir. L'anglais passa une main blanche sur son visage et regarda tout autour de lui. Il semblait réfléchir – bien que l'état dans lequel il se trouvait l'en empêchait quelque peu – au vu de son expression faciale. Lorsqu'il comprit enfin que quelqu'un avait foutu son doigt sur la sonnette de sa porte, il se leva avec fainéantise et se dirigea vers cette dernière, après avoir enfoui la peluche de sa fille sous un coussin, qui – Sam ne le remarqua pas – ne la cachait pas entièrement, puisque les oreilles du lapin se faisaient voir.

Ouvrant la porte, il gratifia son visiteur d'un bâillement à s'en décrocher la mâchoire et passa sa main dans des cheveux déjà bien incoiffables.

-Tu empestes l'alcool, Samuel.
-Bonjour à toi aussi Jamie.

Une grimace venant de l'agent ponctua la phrase de Samuel après que ce dernier eut droit à un rapide examen corporel. Il fallait avouer que son jogging ample, ses chaussettes et son cardigan gris dévoilant légèrement son torse, n'avait pas vraiment d'allure ensemble. Mais il était de coutume que les anglais s’habillaient d'une façon assez extravagante non ?

-Quoi ? J'suis pas là pour un défilé okay ? Ni pour te plaire.
-Tu ne réponds pas à mes appels alors je me permets de venir te voir. J'ai bien fait, apparemment.
-Quelle charmante visite. Soupira-t-il à son tour. Ta voix m'a manqué dis-moi. On ne pouvait pas vraiment dire que la relation entre l'agent et «l'acteur» était des meilleures. Avec la dépression, Sam n'était plus cet homme conciliant. Dès que quelque chose ne lui allait pas, il devait le dire et rare étaient les personnes avec qui il prenait des gants.
-Je suppose que tu l'as lu. Ou du moins parcouru. Je t'avais demandé de me répondre avant lundi.
-Ah pour ça je l'ai parcouru oui. Un chiffon de la sorte n'a pas le mérite d'être lu. Pas par moi en tous les cas. Bien que Samuel ait changé avec le temps, il était toujours ce garçon hautain qu'il avait été à Oxford. Le problème, c'est qu'à Magdalen College personne ne lui reprochait ce comportement. Mais maintenant, beaucoup de personnes le fuyait à cause de cela.
-On est mercredi et le producteur me harcèle pour une réponse.

C'est un visage plein de surprise que Samuel offrit à Jamie.

-Mercredi déjà ? Je n'ai pas vu le temps passer.
-Alors, je ne partirai pas d'ici sans que tu m'aies dit ce qu'il en était.
-Regarde bien mes lèvres Jamie. NO ! Assena-t-il dans un accent anglais hautain.

Sur ce, il se dirigea vers la table basse et se pencha légèrement pour prendre une cigarette qu'il alluma. Revenant face à l'américaine, il tendit le bras, pour lui rendre son script.

-What else ?

Spoiler:

Comme bien souvent, l'accueil de Samuel fut sec et peu cordial. Jamie n'en attendait pas moins de lui, d'autant plus que elle aussi avait besoin de se défouler. Comme elle s'y attendait, l'acteur, ou plutôt l'ancien acteur, n'avait pas pris la peine de s'attarder sur le script en question. Bon sang, quelle était cette manie qu'avaient les Anglais de prendre tout et tout le monde de haut de la sorte ? Il fallait quoi pour qu'il se rende compte que ce film, même si c'était un navet, pourrait relancer sa carrière et, surtout, lui payer ses factures. Son accent anglais exagérément accentué, il répondit par la négative :

"Regarde bien mes lèvres Jamie. NO !"

Le sang de Jamie ne fit qu'un tour et elle le regarda, légèrement ébahie, se diriger vers la table basse pour y ramasser une cigarette. Puis il revint face à elle et lui tendit le script d'un air presque satisfait. C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase, le refus de trop de cet Anglais auto-satisfait et pseudo-dépressif. La blonde lui arracha le script des mains en lâchant :

"Putain Samuel. Ça t'amuse de jouer au con de la sorte ? C'est la seule proposition qu'on a reçu en six mois pour toi. Sérieuse, je veux dire. Je te passe les téléfilms et autres conneries du genre que je n'ai pas eu le culot de te montrer. Tu veux relancer ta carrière ou non ? Parce que si la seule chose que tu veux, c'est te noyer dans l'alcool et refuser chaque proposition que tu reçois, il ne te reste plus qu'à te trouver un autre boulot. Serveur dans un fast food par exemple."

Qu'est-ce qu'elle espérait qu'il le fasse. Elle s'imaginait parfaitement en cet instant venir lui commander des frites au drive et ne pas daigner lui laisser un pourboire ou lui dire bonjour. En gros, le traiter de la même manière que celle dont il la traitait à présent et depuis trop longtemps. Finalement, Jamie soupira et se dirigea vers le canapé pour s'y asseoir. Son regard tomba sur la bouteille de whisky presque vide. Punaise, elle aurait bien besoin d'un verre en cet instant, histoire de calmer ses nerfs. Elle passa rapidement une main dans ses cheveux, comme elle le faisait souvent quand quelque chose la tracassait. Puis elle dit sur un ton plus calme :

"J'ai l'impression que tu ne te rends pas compte, Samuel. Ta carrière est au point mort, on se débat pour te trouver des offres intéressantes, pour te vendre et toi tu envoies tout le monde chier. Là, je laisse tomber, j'en ai marre de tes caprices de diva."

Elle posa le script sur la table, poussant au passage verres, bouteilles et autres objets divers encombrant l'espace en ajoutant :

"Si tu veux, je peux les tenir un jour ou deux, le temps que tu reconsidères leur offre. Si tu refuses, considère que tu peux te trouver un nouvel agent."

Ce n'était pas dans ses habitudes de parler ainsi à des clients ; encore moins de les menacer de mettre fin à leur collaboration. Mais Samuel avait besoin d'un électrochoc et peut-être que ceci tirerait un signal d'alarme chez lui. Enfin, il serait tout aussi capable de se refermer comme une huître, ce qui n'arrangerait pas ses affaires. Encore que... Jamie se tourna vers lui pour lui signifier qu'elle était sérieuse. Ce faisant, elle posa sa main gauche sur le canapé et sentit quelque chose sous ses doigts. La curiosité lui fit baisser les yeux puis tirer sur le bout de tissu blanc qui dépassait du coussin. Elle découvrit un petit lapin en peluche, du même genre de ceux qu'elle avait acheté pour la naissance d'Alex. Mon Dieu, ça semblait si loin. La blonde fronça les sourcils et leva les yeux vers lui, lui adressant au passage un regard interrogateur. Finalement, elle ne put s'empêcher de lâcher à voix basse :

"S'il-te-plaît, ne me dis pas que tu as mis une fille enceinte, ce serait le pompon..."

-Putain Samuel. Ça t'amuse de jouer au con de la sorte ? C'est la seule proposition qu'on a reçu en six mois pour toi. Sérieuse, je veux dire. Je te passe les téléfilms et autres conneries du genre que je n'ai pas eu le culot de te montrer. Tu veux relancer ta carrière ou non ?
-Bien sûr que je veux relancer ma carrière. Mais vous avez vu ce que vous me proposez ? Autant que je joue dans un film de cul, ce sera plus simple. Si vous n'avez pas mieux dans vos scripts, mais fermez boutique merde.
-Parce que si la seule chose que tu veux, c'est te noyer dans l'alcool et refuser chaque proposition que tu reçois, il ne te reste plus qu'à te trouver un autre boulot. Serveur dans un fast food par exemple.

Se doutant qu'il était certainement allé trop loin, Samuel se confondit en excuses.

-Non je... Excuse-moi, ce n'est pas ce que je voulais dire. Rajouta-t-il en soupirant de malaise. C'est juste que... Je n'ai jamais était habitué à ça. En Angleterre j'avais le théâtre et c'est une valeur sûre ça. Et petit à petit le cinéma s'est ouvert à moi sans que je fasse le moindre effort. Grâce à ton frère j'ai été révélé et c'est pour ça que je me suis de nouveau tourné vers vous. Parce que je dois une fière chandelle à Allen.

C'est une Jamie soupirante qui s'assit sur le canapé de Samuel. Le ton de sa voix avait l'air plus calme, mais certainement pas plus serein.

-J'ai l'impression que tu ne te rends pas compte, Samuel. Ta carrière est au point mort, on se débat pour te trouver des offres intéressantes, pour te vendre et toi tu envoies tout le monde chier. Là, je laisse tomber, j'en ai marre de tes caprices de diva.
-Je sais que je ne fais aucun effort mais... Je pensais pas que ce serait comme ça Jamie. Et puis sincèrement c'est quoi cette histoire à l'eau de rose ? La voix de Sam présentait de légers trémolos. La tristesse se faisait sentir. Je ne crois pas aux histoires d'amour. Comment veux-tu que j'incarne ce personnage ? Je ne peux pas jouer ça. Dit-il en montrant d'un signe de tête le script. Et j'ai mes raisons. Si j'accepte je fais couler le film Jamie. Tu comprends ? Même en donnant le meilleur de moi-même je n'arriverais pas à être crédible.
-Si tu veux, je peux les tenir un jour ou deux, le temps que tu reconsidères leur offre.
-C'est gentil de ta part mais...
-Si tu refuses, considère que tu peux te trouver un nouvel agent.

Jamie se retourna vers Samuel qui fumait toujours sa cigarette. En entendant ces mots, Sam rejoignit son agent sur le canapé et la regarda se toucher les cheveux nerveusement.
Les derniers mots de l'américaine furent comme des poignards que l'on planta dans le dos de Samuel. Il regarda longuement la jeune femme sans mot dire. Son regard sérieux n'arrangeait en rien la situation plus que délicate du londonien.
Le bout de sa cigarette rougeoya légèrement et Jamie posa une de ses mains au niveau de la peluche, qu'elle ne tarda pas à découvrir. La prenant entre ses doigts, Samuel eut droit à un regard interrogateur et à un murmure remplit d'indignation.

-S'il-te-plaît, ne me dis pas que tu as mis une fille enceinte, ce serait le pompon...

Posant sa cigarette dans son cendrier, Sam tira vivement la peluche des mains de Jamie et lança sur un ton agressif qui n'était pas réellement adressé à son agent.

-Lâches-ça ! Se levant, il se dirigea vers la baie vitrée et regarda un avion passer au dessus de chez lui. C'est brutalement qu'il se tourna de nouveau vers elle et cria, tout en désignant le salon de ses mains.

-Tu crois que j'ai mis une femme enceinte ? Hein ? Regarde autour de toi bordel ! C'est l'appartement d'un homme qui a ou va avoir un enfant ? Et moi ? J'ai l'air d'un homme qui a donné la vie ? Tu crois que si j'avais ma famille avec moi je serais en train de boire comme un trou ? Tu crois pas que je serais heureux ? Tu penses sincèrement que je serais dans cet appart de merde ?

Samuel était au bord des larmes, ses yeux étaient humides. Baissant la tête, il cacha ses yeux et les larmes ne tardèrent pas à couler. Il releva la tête et regarda Jamie qui ne comprenait plus rien. Sa voix remplie de sanglots devint subitement calme.

-Je suis désolé mais ce n'est pas le moment le plus approprié pour discuter cinéma ou même pour être en ma compagnie.

Il s'approcha de la jeune femme et lui sourit bien malgré lui.

-Considères que je ne suis plus client de l'agence. Excuse-moi auprès de ton frère. Si vous voulez je me débrouillerai pour vous dédommager mais... Je ne peux plus...

Prenant le script qui gisait sur la table, il le rendit à Jamie.

-J'espère sincèrement qu'il trouvera preneur et surtout meilleur acteur que moi. Je te recontacterai pour vous montrer à Allen et toi que les six mois que vous avez passé à me trouver quelque chose m'ont touché.

Il essuya rapidement ses joues avec sa manche droite.

-Excuse-moi de m'être emporté de la sorte. Ce n'est pas contre toi que j'en veux, mais contre moi-même. Je suis un idiot et un imbécile qui ne veut jamais voir la vérité en face.

Tout s'était passé très vite. Trop vite pour que Jamie puisse comprendre clairement ce qu'elle avait fait de travers. Elle avait trouvé cette peluche, soufflé une phrase qui aurait dû ou détendre l'atmosphère ou secouer l'acteur dépressif. Mais Samuel avait réagi d'une manière totalement différente de ce qu'elle imaginait. La colère, une colère noire, voilà la seule chose qu'avaient exprimés ses yeux. Et c'était la première fois que l'agent les lisait dans les yeux de son client. Elle l'avait souvent ramassé à la petite cuillère, vu plus saoul qu'il n'aurait dû voire complètement défoncé. Mais enragé de la sorte, non. Si elle ne le connaissait pas mieux, elle aurait dit qu'il était tout juste bon à être interné pour retrouver un semblant de santé mentale. En vérité, il semblait désespéré. Plus désespéré qu'elle ne l'avait jamais vu ; et c'était peu dire. Puis il se calma et, les larmes aux yeux, sourit légèrement en expliquant qu'il quittait l'agence. Elle haussa les sourcils et le regarda, surprise de cette soudaine décision. En le menaçant de le laisser tomber, elle comptait plus le faire réagir, espérant qu'il reprenne pied, pas qu'il la devance en les larguant. Puis elle posa les yeux sur le script qui gisait sur la table, incapable de remettre les idées qui l'assaillaient en place et donc, de savoir quoi faire. Finalement, elle se tourna vers lui et le vit s'essuyer les yeux du revers de sa manche.

Jamie resta un moment silencieuse, incertaine sur ce qu'elle devait dire ou faire. Elle avait vu Samuel de bien des façons, dans bien des états, mais il n'avait jamais pleuré devant elle. Et d'un coup, c'était comme si elle venait de se retrouver propulser dans son intimité, plus encore que si elle avait dû le secouer pour le réveiller après une bonne cuite. En plus, il lui avait balancé tant d'informations dans la figure qu'elle ne savait plus franchement où elle en était. Elle se décida finalement à lui demander :

"Qu'est-ce qui ne va pas, Samuel ?"

Son attitude était vraiment inquiétante et la mettait réellement mal à l'aise. Normalement, elle aurait dû partir puisqu'il désirait rompre le contrat, c'était le plus prudent et le plus logique. Mais ce n'était de loin pas la meilleure façon de l'aider. Et s'il venait de lui hurler dessus, elle voulait tout de même encore l'aider, comprendre le pourquoi du comment, dénouer tout ça. Sans attendre sa réponse, elle soupira en regardant ses mains avant de lever les yeux vers la fenêtre.

"Je ne comprends pas. C'est quoi cette peluche... ?"

Elle avait peur de savoir la réponse. Une chose atroce. Quelque chose qu'elle imaginait dans ses pires cauchemars, parfois. Il avait perdu un enfant ; avant, après, pendant la naissance. Elle le sentait, parce qu'elle s'imaginait le cadavre ambulant qu'elle serait si une telle chose devait lui arriver. Quelque part, ça expliquait mieux les réactions de Samuel, cette haine de l'amour, cette manière de trouver refuge dans l'alcool. Une part d'elle-même voulut lui demander si c'était cela, ce secret si lourd qu'il semblait porter depuis trop longtemps. Mais finalement, Jamie réussit seulement à articuler en se tournant vers lui :

"Et si tu crois que me virer est une excuse pour me faire dégager, tu te mets le doigt dans l'oeil."

Elle se pinça les lèvres aussitôt. Ces mots sonnaient comme des reproches et c'était la dernière chose qu'elle souhaitait. L'aide de son agent était certainement la dernière chose que Samuel voulait, elle pouvait comprendre cela. Il fallait que Jamie soit une amie et, si elle entrait dans l'intimité de ses clients, c'était quelque chose qu'elle avait parfois du mal à faire. Elle soupira en ajoutant aussitôt :

"Excuse-moi. Mais, je veux dire... Y'a un truc qui va pas, je le sens depuis un moment mais c'était délicat de demander. Là, tu ne vas pas me foutre à la porte avant de me dire ce que tu as, bordel. Je suis là pour t'aider, tu dois me faire confiance. Tu comprends ça quand même ?"

Elle fronça légèrement les sourcils. Il ne lui avait jamais réellement fait confiance. Ni à elle, ni certainement à Allen, comme si ses agents étaient des ennemis contre qui il devait lutter. Ou du moins qu'une part de lui-même voulait affronter. Et c'était franchement déplaisant.

-Qu'est-ce qui ne va pas, Samuel ? Je ne comprends pas. C'est quoi cette peluche... ?

Samuel aurait voulu répondre, il aurait tant désiré alléger ce cœur de pierre qui s'était formé en lui. Mais à son plus grand malheur, les mots ne voulaient pas sortir de sa bouche. Ils étaient tel de l'eau, s'évaporant avant d'arriver à la sortie du robinet.
Bien que son regard soit porté sur cette peluche qui représentait tant pour lui, il se sentit observé par Jamie, qui avait l'air d'avoir prit la parole à son tour.

-Et si tu crois que me virer est une excuse pour me faire dégager, tu te mets le doigt dans l’œil.

Cette phrase résonna dans la tête de Samuel, sans qu'il ne sût réellement comment l’interpréter. Pour être tout à fait sûr de sa signification, il décida de porter sur elle, un regard remplit de larmes. Lorsqu'il vit ses lèvres se contracter dans un pincement, il sût que ses mots n'avaient pas été lancés à la légère. Mais peu lui importait que l'américaine soit encore en colère ou quoi que ce soit. Toutes ses pensées étaient maintenant retournées dans un passé si proche et en même temps si lointain.

-Excuse-moi. Mais, je veux dire... Y'a un truc qui va pas, je le sens depuis un moment mais c'était délicat de demander. Là, tu ne vas pas me foutre à la porte avant de me dire ce que tu as, bordel.

La voix de Madame Spencer paraissait devenir de plus en plus lointaine à mesure que Samuel se fermait du monde. Pourtant, ce qui le fit revenir brutalement dans la réalité, furent les derniers mots de son agent.

-Je suis là pour t'aider, tu dois me faire confiance. Tu comprends ça quand même ?

*Aider... Aider…*

Pour sûr, l'anglais avait besoin d'aide, mais depuis le début de sa dépression, il s'était fermé à toute aide, même à celle de son meilleur ami John, qui avait tout plaqué à Londres pour suivre Sam et le sortir de sa torpeur morbide. Il se disait que seul lui avait le droit d'être au courant de cette histoire, excepté John. Et quand il décidait de se livrer un tant soit peu à quelqu'un, il avait peur de ruiner la vie de la dite personne, comme si toute sa détresse, tout son malheur pouvaient s'abattre sur les gens avec qui il en discuterait et les rongeraient telle la lèpre mutilant la peau de ses victimes. C'est pour toutes ces raisons que les seules compagnies de Samuel prirent la forme de bouteilles d'alcool et de drogues en tout genre.
Jamie eut pour seule réponse à son froncement de sourcils, un haussement d'épaules sans grande conviction. Le silence prit place et les mains blanches de Samuel se crispèrent sur ce bout de tissu. Baissant le regard, ses yeux se posèrent sur l'annulaire gauche de Jamie. Les larmes avaient cessé, mais la voix masculine de l'ex-acteur fut nostalgique et pleine de tendresse quant il reprit la parole.

-Tu es mariée à ce que je vois. C'est la plus belle chose au monde. Finit-il par dire en la regardant de nouveau. Profites de ton bonheur tant que tu le peux encore. Ne penses jamais au lendemain. Soupirant, il termina sa phrase. J'espère que ce mariage a donné de beaux enfants ou en donnera. C'est tout ce que je te souhaites.

Et c'est en montrant la peluche, qu'il commença à se livrer de lui-même.

-Cette peluche aurait du avoir un nom... Elle aurait du...

Les larmes coupèrent net Samuel dans sa lancée. Il déglutit difficilement, mais reprit, les joues trempées.

-... Elle aurait du être abîmée par l'enfant à qui elle était destinée. Elle aurait du sentir le bébé. Cette bonne odeur de lait que tu ne retrouves que chez les nourrissons... J'aurais du la sentir, mais je n'ai jamais pu.

Les images ressurgirent dans la vie de Sam avec une telle violence qu'il en serait tombé par terre, s'il n'était pas assis. Regardant le ventre de Jamie, il ne put s'empêcher de sourire amoureusement.

-Je me rappellerai toujours de son ventre grossissant à vu d’œil. C'était la plus belle chose au monde. Savoir que ma propre fille était là, me rendait tout chose. Je me souviendrais toujours de cette soirée où ma fiancée de l'époque était enceinte de sept mois. J'étais en train de caresser son ventre dans un luxueux loft avec vue sur la Tamise, quand soudain ma fille a donné un coup de pied, à l'endroit même où ma main était posée. J'ai vu la forme de son petit pied qui touché ma main. C'est le seul contact que j'ai pu avoir avec elle. Qui plus est, je venais tout juste de faire acquisition de cette peluche pour le jour de sa naissance. C'était une surprise. Je l'avais choisi seul, sans l'aide de ma fiancée. J'étais fière de moi. Je voulais être un papa poule tout en étant acteur. Je savais que je pouvais le faire. Mais...

Les yeux rouges de Sam semblèrent mélancoliques et les larmes voilaient son regard. Il regardait je ne sais quoi, au fin fond de son salon.

-... Mais six mois avant, alors que Lilly, ma fiancée, était enceinte de un mois, j'ai tenu par amour pour elle, la promesse qui a fait de moi l'homme que je suis maintenant. Elle m'a demandé d'arrêter ma carrière d'acteur pour l'avenir de notre famille, prétextant qu'un père aux quatre coins du monde, n'était pas un père pour un enfant heureux. J'ai accepté et j'ai vu mon argent s'amenuiser au fil des mois qui passaient. Alors qu'elle était presque à terme, que nous devions nous marier, j'ai trouvé un beau matin, à mon réveil, un mot sur la table du salon, me disant qu'elle était partie, elle et toute sa famille, très loin de moi et que seul mon argent et ma popularité l’intéressait chez moi. Du jour au lendemain je me suis retrouvé sans rien. Plus de job, plus d'enfant, plus d'argent et plus la femme qui était pour moi, mon rayon de soleil. Au début, je faisais tout pour essayer de la retrouver, elle et sa famille, mais j'ai bien vu que c'était impossible. Et petit à petit, j'ai fais la connaissance de la dépression, de l'alcool et des drogues. Je n'avais plus rien pour payer mon loft couteux, j'ai du revoir mon mode de vie à la baisse et un beau jour, dégouté de ma ville natale, j'ai pris la décision de m'installer ici pour relancer une carrière d'acteur que je sais foutue depuis longtemps. Pour me payer un billet d'avion et un appart merdique à Los Angeles, j'ai revendu tout ce que j'avais de plus cher chez moi. Seule cette peluche m'a suivi... La femme qui m'a détruit et que j'aime toujours éperdument, est quelque part sur terre avec ma fille qui a maintenant trois ans et que je n'ai jamais vu de ma vie. Cette peluche représente l'enfant qui m'a était volée.

Jamie restait sans voix face aux révélations de Samuel. L'histoire était abacadabrante, bien trop pour qu'il puisse l'inventer. Il souffrait, atrocement, même elle pouvait le sentir. Une femme qui s'était enfuie avec son enfant. Qui pourrait bien être capable d'une telle chose ? Son coeur se serra quand elle se demanda si Mark pourrait faire de même, si par malheur il découvrait son lourd secret. Ou même, est-ce qu'elle-même réussirait à séparer sa fille de son père ? Elle se pinça les lèvres et ferma quelques secondes les yeux pour chasser ces pensées malsaines de son esprit. Il n'était pas ici sujet d'elle, de Mark ou même de son amant et de ses conneries mais bien de Samuel, ses problèmes engendrés par la souffrance qu'il ressentait depuis des années. Sans y réfléchir, elle posa sa main sur la sienne, dans une tentative de réconfort muette, alors qu'il poursuivait encore et encore. C'était comme s'il crevait cet abcès pour la première fois de sa vie, comme si ce secret l'avait empoisonné, s'était insinué dans chaque parcelle de son être pendant toutes ces années. Et puis, il se tut. L'agent se retint de soupirer pour accuser le coup. Elle eut l'irrépressible envie de le prendre dans ses bras, lui dire que ça allait s'arranger tout en sachant pertinemment que c'était trop tard. Après de longues secondes de silence où elle digéra toutes les informations, elle souffla :

"Et tu ne l'as dit à personne ? Pendant toutes ces années... ?"

C'était incompréhensible. Il devait bien y avoir un moyen, quelque chose à faire, n'importe quoi. Pour elle, en parler à quelqu'un était certainement le premier pas. Mais le premier vers quoi ? L'oubli ? Impossible. L'acceptation ? Peut-être bien. Ou autre chose, qui sait. Parce que Jamie ne pouvait s'empêcher de penser que tout pourrait s'arranger, qu'il y avait bien un moyen de retrouver cette horrible femme, l'enfant qui était sien. Quelque chose, n'importe quoi. D'un autre côté, tout devenait plus clair. Samuel et sa dépression évidente. Samuel et ses problèmes d'alcool, de drogue. Samuel et son dégoût ouvert pour l'amour. Elle s'en voulait presque de l'avoir autant malmené pendant tout ce temps, de s'être énervée face à lui comme dans son dos. Elle fit tournée son alliance, comme elle le faisait souvent quand elle réfléchissait ou qu'elle avait quelque chose sur le coeur. Elle lâcha alors, d'un air peu assuré :

"Tu dois pouvoir faire quelque chose non ? Tu as déjà vu quelqu'un. Je sais pas, un avocat ? Ce qu'elle a fait doit bien pouvoir être puni par la loi, j'en suis certaine..."

Elle se tut, avec l'impression que rien de ce qu'elle disait avait du sens. Elle s'emmêlait les pinceaux, il devait la prendre pour une idéaliste à la con et la foutrait certainement à la porte, regrettant de lui avoir livré son secret. Elle ajouta tout de même :

"Tu sais que l'agence pourrait t'aider. On travaille avec des avocats régulièrement et... Bref, je pense que tu devrais faire quelque chose."

Son regard parcourut le salon, en désordre. Le problème avec Samuel, c'était que sa réputation le précédait. On le disait drogué, capricieux, incompétent, parfois. Ses frasques étaient tristement célèbres. Jamie se releva et attrapa le cadavre de la bouteille d'alcool. Cette fois-ci, elle ne retint pas son soupir et fixa Samuel, bien décidée à lui ouvrir les yeux sur sa situation.

"Laisse-moi te donner un conseil. Avec ta situation actuelle, elle pourrait t'écraser facilement en t'accusant des pires atrocités. Ressaisis-toi. Sors de chez toi, arrête de boire jusqu'à te rendre malade. Arrête aussi la drogue. Ne me dis pas que tu n'en prends pas, je suis pas conne. Si tu fais ça, que tu montres patte blanche, je suis sure qu'on pourra faire quelque chose pour ta situation. Tu crois pas ?"

Elle n'était pas certaine que son discours fasse mouche. Il devait avoir la gueule de bois et s'attendait peut-être à ce qu'elle s'apitoie sur son sort. La dernière chose qu'elle souhaitait, c'était qu'il s'énerve à nouveau. Mais il lui fallait un électrochoc, aussi, elle le savait. Sans ça, il vivrait à coup sûr toute sa vie dans l'attente et la souffrance que lui causait cet horrible secret.

"Je veux t'aider Samuel. Tout le monde le voudra aussi. Mais c'est à toi de faire le premier pas..."

Cela faisait maintenant bien trois ans qu'il n'avait ressentie ce sentiment de chaleur au sein de son cœur. Sentir la peau de Jamie contre la sienne le réconforta. Il n'aurait su dire pourquoi, mais il se sentit brièvement revivre, espérant que ces dernières années ne soient en fait qu'un cauchemar des plus abominable. Mais non... Il entendait sa voix conter cette histoire comme si elle venait de se dérouler hier. Légèrement interrompu par quelques sanglots, il ne cessait de parler, n'osant observer cette main féminine contre la sienne. Il avait le sentiment de la voir disparaître s'il osait la regarder ne serait-ce qu'une seconde. Toutefois, lorsqu'il eu terminé son récit, Samuel osa regarder la main de Jamie sur la sienne. Il bougea légèrement ses doigts, qui se refermèrent sur ceux de son agent. Il ne sait pas réellement pourquoi il venait de faire cela, mais il en avait besoin. Il avait ce besoin irrépressible de se sentir soutenu et aimé. Il avait enfin l'impression d'être compris. Jamie était la seule personne avec le meilleur ami de Sam à connaître la vérité. Le silence fut interrompu par la voix de l'américaine.

-Et tu ne l'as dit à personne ? Pendant toutes ces années... ?

L'anglais fit un non lent de la tête et soupira.

-C'était trop frais, trop présent en moi... Enfin... Si... Seul mon meilleur ami est au courant. Mais avec lui ce n'est pas pareil. Il est là depuis le début, il m'a connu sous mon meilleur jour, il m'a vu dépérir et par ma faute je l'ai entrainé dans des choses pas très net. Quand j'ai commencé à sortir avec cette fille, il m'a toujours prévenu qu'elle n'était intéressée que par l'argent. Mais l'amour m'a aveuglé, je disais de lui qu'il était jaloux de moi... Mais il avait raison... J'ai fais le con, c'est bien fait pour moi. J'ai voulu croire en l'amour, je me suis brûlé les ailes... Il fait tout pour me sortir de là encore aujourd'hui, mais c'est trop tard. Regarde moi Jamie... Je suis irrécupérable.

Lâchant les doigts de Jamie, il se frotta les genoux de malaise.

-Tu dois pouvoir faire quelque chose non ? Tu as déjà vu quelqu'un.
-Comment ça ? Tu veux dire un psy ? Je ne suis pas fou Jamie... Dépressif oui, mais ce n'est pas en prenant des cachets que ça ira mieux au contraire. Et tu crois vraiment qu'en parler à un professionnel arrangera ma vie en un claquement de doigts ? Tu crois sincèrement que les psy font des miracles ? Ils ne savent rien faire. Comment peux-tu d'un coup te sentir bien ? Aucun psy sur cette planète ne me redonnera le sourire... Et ils ne me redonneront pas le bonheur... Ni ma fille et ma femme... Alors à quoi bon ?

Samuel porta un regard vide sur Jamie.

-Je sais pas, un avocat ? Ce qu'elle a fait doit bien pouvoir être puni par la loi, j'en suis certaine...
-Je ne pense pas. Soupira Sam... Nous n'étions pas encore mariés. Donc aucun contrat de mariage ne nous unissait. Elle pouvait faire ce que bon lui semble. Et elle a fait ce que bon lui semble...
-Tu sais que l'agence pourrait t'aider. On travaille avec des avocats régulièrement et... Bref, je pense que tu devrais faire quelque chose.

Offrant un sourire de sympathie à son agent, il la remercia.

-Merci Jamie, c'est très gentil de ta part. Mais j'ai déjà un bon avocat. Si je veux intenter quelque chose, je me tournerai vers lui.

Parcourant le salon du regard, Jamie soupira et s'empara d'un cadavre de bouteille vide.

-Laisse-moi te donner un conseil. Avec ta situation actuelle, elle pourrait t'écraser facilement en t'accusant des pires atrocités. Ressaisis-toi.
-A quoi bon ? Elle n'en a plus rien à faire de moi. Elle m'a déjà écrasé. Regarde autour de toi bordel, regarde moi Jamie !

Les nerfs de Samuel venaient à nouveau de le lâcher. Il s'était remis à crier et la drogue lui faisant défaut, de légers tremblements avaient reprit. Enfouissant son visage dans ses mains tremblantes, il pleura en silence et s'excusa calmement auprès de Jamie.

-Sors de chez toi, arrête de boire jusqu'à te rendre malade. Arrête aussi la drogue. Ne me dis pas que tu n'en prends pas, je suis pas conne. Si tu fais ça, que tu montres patte blanche, je suis sure qu'on pourra faire quelque chose pour ta situation. Tu crois pas ?

Subitement, les larmes de Sam cessèrent de couler et il regarda profondèment Jamie dans les yeux.

-Tu sais ce que ça fait de sentir tes muscles raidis par la douleur ? Tu connais cette sensation de tremblements tous les matins à ton réveil ? As-tu déjà étais dans l'impossibilité d'arrêter de boire de l'alcool ? Est-ce que tes bras...

Il souleva les manches de son cardigan et montra l'état de ses bras.

-Est-ce que tes bras sont dans cet état à force de te piquer Jamie ? Je suis irrécupérable. La meilleure chose pour moi... C'est de mourir... Au moins plus de soucis affectif, d'alcool ou de drogue... Juste la paix intérieure...
-Je veux t'aider Samuel. Tout le monde le voudra aussi. Mais c'est à toi de faire le premier pas...
-Je n'en ai plus envie... Je suis las de cette vie... Las d'espérer à un changement... Las d'être las... Tu sais avant j'étais loin d'être comme ça. Au contraire, j'étais tout l'inverse. Optimiste, joyeux, rêveur, riche... Mais je ne peux plus être heureux Jamie. Pourtant je le veux... Mais c'est au dessus de mes forces. Imagines que ton mari t'enlève ton enfant du jour au lendemain. Qu'il s'en aille loin... Que ferais-tu ? En sachant que tu ne peux pas le retrouver... Comment réagirais-tu ? Je sais très bien comment je suis devenu... Je me dégoute moi-même. La seule chose qui pourrait me rendre heureux, c'est que mon ex-fiancée revienne avec ma fille et qu'elle me supplie de lui pardonner. Qu'elle me demande de l'aimer à nouveau... C'est ce que je veux Jamie... Je veux juste ça. Je veux retrouver la femme que j'aime encore... Je veux voir ma fille... Je veux ma famille. Parce que c'est ma famille... Rien d'autre ne pourra m'aider... Je veux croire qu'elle m'a tout de même aimé... Je veux qu'elle me le montre maintenant !

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You should stop, before it's too late — Jamie & Samuel

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