Oh sister am I not a brother to you B. Dylan

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Allen & Jamie

Mon regard dévie sur le bas de l'écran d'ordinateur. Le voyant clignote toujours pour m'avertir que j'ai reçu un nouvel e-mail et mes doigts pianotent impatiemment sur ma souris. Je dois écrire ce courrier électronique à une des plus grosses maisons de disques de la ville pour leur annoncer que Jonathan ne signera pas avec eux car il les trouve trop « commerciaux » et qu'il a besoin de plus d'« authenticité » de la part de sa maison de disque. Les artistes de nos jours croient qu'ils peuvent refuser ce genre d'offre sans que çela ait des répercutions. Mais moi je les connais. Si par bonheur il a une autre offre - et avec moi il l'aura parce que je suis le meilleur- et si il vient à percer, alors la maison de disque écartée n'aura pas de scrupule à lui mettre des bâtons dans les roues. Et puis bon dieu, une offre à un tel prix ça ne se refuse pas. J'hésite à rappeler ce petit con, pour insister une dernière fois, mais je me résigne. Jonathan est jeune, impulsif et pleins d'idéaux. Il pense que le monde est soit blanc soit noir, et si j'insiste trop, j'ai bien peur qu'il me place dans la catégorie des « noirs » et qu'il me lâche. Or, Jamie et moi on est d'accord : ce jeune rockeur à la gueule d'ange c'est le nouveau Jonas brothers avec la mèche ridicule et l'anneau de chasteté en moins.

Je ferme finalement la fenêtre sans rien envoyer, il faudrait peut être que j'en parle à Jamie ou au comité. Je clique sur l'icône clignotante pour ouvrir le nouveau mail reçu et soupire. Encore un spam. Je le supprime en prenant le soin de bloquer ce destinataire, mais il va falloir que je fasse une descente dans le bureau de Clark pour qu'il me règle ce problème de publicité qui me pourrissent ma boîte de réception depuis quelques jours. Je branche mon agenda électronique à mon PC pour synchroniser et mettre à jour les deux engins et, en attendant les 3 minutes que je suis contraints d'accorder aux nouvelles technologies, je porte mes doigts à ma bouche. J'essaye d'éliminer à l'aide de mes incisive des petits bouts d'ongle restant sur mon pouce. Mais la vérité c'est que je suis déjà presque à la limite d'entamer la peau, et c'est d'ailleurs ce qui se passe. Mes dents tirent sur une peau de trop et le sans perle à la limite de ce qui me reste d'ongle. Jamie va encore me regarder avec des gros yeux mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est une mauvaise habitude que je n'ai jamais réussi à abandonner depuis l'enfance. Mes mains sont dans un sale état je dois l'admettre, mais c'est plus fort que moi. Je tire un mouchoir de la boîte et mon doigt y trouve refuge tandis que je débranche l'appareil qui m'indique que j'ai un rendez vous à 11 heures avec Malia Nuchez, la célèbre organisatrice d'évènement pour régler les derniers détails de la soirée de bienfaisance organisée par notre entreprise.

Je jette le mouchoir à la poubelle, je balance le câble électrique qui connectait les deux machines au fond d'un tiroir et je quitte mon bureau au pas de course direction le service des ressources électroniques. J'aboie quelques instructions à Clark qui s'empresse de se mettre au travail sur la nouvelle mission que je lui ait donné car il est hors de question que je reçoive encore des publicité pour du viagra ou une pilule amincissante miracle sur mon adresse professionnelle. Ensuite je repars aussi vite à l'autre bout de l'agence avec la désagréable sensation que les rares personnes au bureau à cette heure matinale se mettent au travail précipitamment sur mon passage. Je regarde ma montre, il est 8h30 et Jamie vient surement d'arriver. Je tape et rentre sans attendre sa réponse. Comme je l'ai deviné, elle vient d'arriver. Elle est entrain d'allumer son ordinateur et son sac est encore posé négligemment sur son bureau. Elle a son portable à l'oreille. J'entends prononcer le nom d'Alex et je comprend qu'il doit s'agir de Mark à l'autre bout du fil. Je m'assied sur le siège et l'observe se mouvoir dans la pièce sans vraiment écouter sa conversation. En la regardant ainsi, je constate une fois de plus à quel point je suis fier d'elle. Je n'aurais jamais pensé que notre partenariat en affaire marcherait aussi bien et que nous mènerions ensemble l'entreprise. Il faut dire qu'au début elle n'était pas la première à être motivée pour reprendre le flambeau paternel, mais elle m'avait finalement rejoins et nous pouvons dire avec fierté -même si l'agence à connus quelques bas- que si Sloan group en est là c'est autant grâce à nous deux que grâce à notre père. Au delà du travail je la trouvait également extra et elle était la seule avec qui je me sente 100% à l'aise et à qui je faisais une confiance aveugle. Elle raccrocha après quelques minutes et me sourit en se laissant tomber dans son grand fauteuil.

- Alex va bien ?

Lui laissant le temps de répondre, je luttais contre l'envie de tirer sur cette nouvelle peau qui s'était décollée de mon ongle et qui frottait de manière désagréable sur le tissu de mon costume déjà un peu froissé par ma suractivité matinale.

- Notre baby rocker était matinal. Il m'a tiré du pieux à 6 heures et annoncé qu'il refusait l'offre. J'ai eu beau insister il pense que -je cite- « Ils ne vont pas respecter mes choix artistique, ils vont me proposer de la merde, et je serai obligé d'accepter. Je suis jeune, je ne veux pas prendre le risque de me faire avoir dès le début de ma carrière. ». J'avais pris la voix trainante de l'adolescent et Jamie sourit, amusée. Je me suis dit que peut être tu avais une idée pour lui faire voir la situation d'un angle plus raisonnable.

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Les embouteillages à Los Angeles, c'était vraiment la plaie. Jamie avait beau ne pas habiter trop loin de son boulot, elle savait qu'elle n'aurait probablement jamais le temps d'amener sa fille à l'école le matin. Ni la chercher le soir. Au lieu de ça, elle devait répondre aux caprices de trentenaires riches à souhait et qui se croyaient bourrés de talent. Certains l'étaient, elle ne le niait pas, mais tous ou presque avaient l'argent qui leur était monté à la tête. Fort heureusement pour elle, elle avait adoré son job le jour-même où elle avait mis le pied dedans. Sans quoi, elle tournerait sûrement au Xanax mais c'est une autre histoire. Sur la route, comme bien souvent, elle en profita pour passer les coups de fil qui ne l'enchantaient que peu. Après avoir pris rendez-vous chez son dentiste, elle appela un acteur dont elle s'occupait depuis presque trois ans. Comme souvent, elle tomba sur la messagerie et laissa un message courtois qui l'informait qu'il devait toujours la contacter à propos du contrat dont elle lui avait parlé. Elle était prête à mettre la main à couper qu'il refuserait en râlant.

Après une bonne demi-heure de voiture, elle arriva à l'agence. Il y avait déjà un monde fou. Une fois de plus, Jamie se demanda comment ils faisaient tous pour arriver si tôt. Ils dormaient peut-être ici, qui sait. Certains en seraient capables tant ils craignaient Allen. Il était vrai que son frère avait le don de hurler si fort et sortir de ses gonds si régulièrement qu'on aurait pu le surnommer Hulk sans problème. Elle l'avait d'ailleurs déjà fait, gamine. Et ça l'avait encore plus mis hors de lui. Elle passa la porte et sourit à la standardiste qui lui tendit au passage quelques messages. L'agent les lut tout en marchant, les triant au fur et à mesure de "urgent" à "ennuyeux". Elle était à quelques pas de son bureau quand son téléphone sonna. La photo de Mark s'affichait. Le sourire aux lèvres, elle répondit. Il lui expliqua qu'il ne trouvait pas le doudou d'Alex et demanda si elle l'avait vu. C'était étrange, cela faisait bientôt huit ans qu'ils étaient mariés mais il trouvé toujours un prétexte pour l'appeler chaque matin, qu'ils se soient quittés il y a peu ou qu'il ait enchaîné les gardes. A chaque fois, elle sentait la culpabilité poindre mais parvenait à l'ignorer. Elle raccrocha rapidement après lui avoir souhaité une bonne journée. Tout en parlant, Jamie vit son frère entrer et lui adressa un léger signe de la tête pour qu'il attende. Finalement, une fois la conversation terminée, elle se laissa tomber dans sa chaise et lui sourit. Vu la tête qu'il tirait, il était sur le pied de guerre depuis un bon moment déjà. Jamais il ne s'arrêtait, décidément. Il demanda des nouvelles d'Alex, ce à quoi elle répondit :

"Elle va bien. Tu devrais venir manger à la maison, un de ces quatre."

Il n'était pas là pour discuter de la pluie et du beau temps ; encore moins de la famille. Ce n'était pas son genre. Et effectivement, il enchaîna en lui parlant d'un jeune futur chanteur persuadé d'être le futur Mickaël Jackson. Ou du moins, persuadé d'avoir été touché par la main de Dieu et qu'il était trop bien pour eux. Jamie leva les yeux en l'imaginant râler contre le star système. Bien sûr, comme s'il allait chanter gratuitement. Elle sourit légèrement en branchant son Iphone à son ordinateur, histoire de synchroniser le tout et ne pas avoir de mauvaise surprise plus tard dans la journée, et lança à Allen :

"Eh bien, ce n'est pas moi qui suis père d'un ado de quinze ans..."

Elle lui sourit légèrement ; ce n'était que pour le taquiner après tout. Et puis, elle était bien la seule à pouvoir le faire alors ce serait dommage de ne pas en profiter. Ses yeux se portèrent sur l'écran de son ordinateur et elle se mit à réfléchir ; il était vraiment bête, ce gosse, à croire que tout le monde lui voulait du mal. Ça leur apprendrait, à traiter avec des gamins aussi. Finalement, elle soupira en disant :

"De toute façon, plus on tentera de le convaincre qu'il a tort, plus il s'obstinera. Mais ce n'est pas par lui-même qu'il comprendra qu'en refusant contrat sur contrat, il se retrouvera acculé et devra accepter n'importe quoi... Tu sais, on devrait peut-être demander à la petite stagiaire qu'on a embauché. Elle est mignonne, je suis sure qu'il l'écouterait si ça se trouve."

Bon, d'accord, le rôle de la stagiaire en question se cantonnait à faire des photocopies, préparer le café et, parfois, répondre au téléphone quand personne ne le faisait. Mais c'était un argument comme un autre en leur faveur. Jamie eut une légère moue avant d'ajouter :

"Bon, plus sérieusement, qu'est-ce que tu lui as dit à ce brave jeune homme ? Et j'espère que tu ne t'es pas énervé..."

Spoiler:

Allen & Jamie

Là, je voudrais lui répondre « Tu me prends pour qui? », mais je ne peux décemment pas le faire. Le comportement qu'elle décrit est exactement le mien quand je suis sur les nerfs et je n'ai donc aucune réplique à lui donner. J'ignore sa question, sors mon téléphone et programme un mémo pour penser à aller demander à la stagiaire, je marmonne en même temps que je tape sur les petites touches à l'aide de mes doigts rouges vifs en piteux état.

- Stagiaire... demander Jonathan...10h30... Okay, donc okay, je vais demander à Miranda, Mélinda, enfin cette jeune fille, de lui parler, et puis si vraiment cette tête de con refuse, je trouverai autre chose. Je lui ai demandé un délai de 2 jours pour qu'on essaye de trouver une solution.

Comme à mon habitude je passe du coq à l'âne en moins d'une minute. Au début les gens ont du mal à me suivre mais avec le temps on s'habitue, et puis ce n'est absolument pas de ma faute si mes pensées se bousculent les unes après les autres au portillon de ma conscience se bousculant et arrivant par dizaine la plupart du temps. Enfin, je ne suis pas devenu fou et c'est le principal, juste hyperactif mais je me soigne.

- Par contre, non, c'est à vous de venir à la maison, je dois montrer mon nouveau GPS à ton homme depuis deux mois et je n'ai pas encore eu l'occasion. Samedi soir ça serait parfait, mais je crois que j'ai dit à Linc de venir et il y aura surement X (nouveau copain) aussi. Tu crois que tu pourrais être sympa avec lui l'espace d'une soirée, Jamie Spencer ?

Je lui dit ça en connaissance de cause. Pour des raisons que je préfère ignorer, ma sœur pense que le nouveau mec qui partage mon lit est un connard profiteur. Je ne dis pas qu'il ne profite pas du luxe et du confort de ma villa, qui ne le ferait pas ? Mais je ne comprends pas pourquoi elle l'a pris en grippe comme ça. Il est plutôt agréable et puis c'est surtout l'un des meilleurs coups que j'ai jamais eu. Je dois avouer que je suis plutôt content d'arriver le soir et de ne pas devoir affronter le silence et la solitude de ma maison. Il est là, et ça me va. Nous mangeons ensemble, il me raconte ses auditions infructueuse dans sa quête de gloire hollywoodienne, et je l'encourage à continuer et sachant pertinemment qu'il espère qu'un jour je lui donnerai un coup de main. La plupart du temps j'ignore ou j'évite ses sous entendus en lui proposant une partie de squash ou de tennis, et dans les cas désespérés je l'emmène vers la chambre et je le fais taire d'un baiser impatient. Et puis il finit par lâcher l'affaire. Enfin bref, pour le moment notre relation me satisfait et je n'en demande pas plus. Du sexe et de la compagnie à défaut d'amour.

Le cours de mes pensée est cette fois assez clair pour quiconque me connait un minimum : amour, Noam, NYC.

- Au fait, la semaine prochaine je vais à Manhattan pour le défilé d'Alessandra. Elle m'a fait une crise l'autre jour en me disant qu'elle en avait marre d'avoir un agent fantôme et de parler à une secrétaire incompétente. Elle veut que je sois là pour le moment le plus important de sa vie, et elle va surement pouvoir décrocher des contrats sur place. Donc je prends l'avion mardi et direction New York. Tu veux que je te ramène l'un de ces bagels que tu aimes tant même si je trouve qu'ils ont exactement le même goût que tous les autres bagels que j'ai pu manger !

New York. Allen à New York. Ces mots glacèrent le sang de Jamie qui le fixa avec des yeux écarquillés bien trop longtemps pour que cela passe inaperçu. Se doutait-il de quelque chose ? Si ça se trouve, c'était Mark qui lui avait demandé de vérifier des soupçons qu'il avait. Ou peut-être même qu'un de leurs collaborateurs l'avait vue avec son amant et avait craché le morceau. Si c'était ça, elle était cuite. Garder un secret, elle en était capable mais mentir effrontément à son frère ou à son mari, inventer des histoires pour se couvrir, c'était au-dessus de ses forces. Ça l'arrangeait bien, au fond, que tout cela se passe de l'autre côté du pays, parce qu'on ne lui demandait jamais ce qu'elle y faisait et que, à part un coup de téléphone quotidien, elle n'avait aucun contact avec sa famille. Mais si Allen commençait à aller à New York, il y avait déjà une écaille dans son plan parfait. Quelque chose en elle lui souffla qu'elle se retrouverait certainement bientôt prise au piège si elle ne faisait pas plus attention. Elle détourna les yeux vers l'écran de son ordinateur, faisant mine d'y regarder quelque chose et respira un bon coup. Elle répondit alors :

"Pour les bagels, si tu as le temps ça me ferait plaisir. Et sache que Alex les adore aussi..."

Son ton sonnait certainement plus sec que ce qu'elle aurait voulu alors elle s'efforça d'y ajouter un sourire quelque peu crispé. Elle respira une nouvelle fois pour tenter de remettre de l'ordre dans ses idées. Après tout, qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? Que une fois qu'il aurait atterri, il tomberait sur des dizaines d'affiches qui diraient qu'elle avait un amant ? Ou encore qu'en le croisant dans la rue il se dirait "tiens ce type a une tronche à coucher avec ma soeur" ? Non. De toute façon, il prêterait sûrement à peine attention à ce qu'il se passait autour de lui et qui n'était pas du boulot. D'autant qu'il devait assister à ce défilé d'Alessandra. Attends. Alessandra. Quelque chose fit tilt dans l'esprit de Jamie qui releva les yeux vers Allen et les plissa légèrement :

"Attends. Tu vas à New York pour Alessandra ? Mais il y a une semaine encore tu hurlais dans ton bureau qu'elle te faisait chier et que sa carrière ne décollerait sûrement jamais. Qu'est-ce qu'elle a fait pour te convaincre ? Ou mieux, pour convaincre des gens qu'elle valait le coup ?"

Cette mannequin en devenir était une véritable peste prête à tout. Elle appelait quinze fois par jour pour le seul plaisir de se plaindre qu'Allen était injoignable. Jamie avait eu affaire à elle mais n'avait plus jamais voulu s'y frotter. Il n'était pas exclu que cette pimbêche se soit dégotté un producteur quelconque pour lancer sa pseudo-carrière. Dans le même genre que l'autre avec son frère. D'ailleurs, il ne fallait pas qu'il compte sur elle pour causer tranquillement avec lui en ignorant les mauvais pressentiments qu'elle éprouvait à son égard. L'agent comprenait : son frère préférait être mal accompagné que seul. Soit. Mais elle sentait qu'il sous-estimait la volonté de son amant et qu'il se ferait rouler un jour ou l'autre. Bref, qu'il morflerait une fois de plus, comme s'il en avait besoin après l'épisode Noam. Bam, second tilt. Son ex n'était certainement pas inconnu dans cette décision soudaine de sauter dans un avion et rejoindre la Grosse Pomme alors qu'il ne l'avait jamais fait depuis des années. Elle dévisagea quelques instants Allen, à la recherche d'un signe quelconque qui puisse confirmer ses doutes. Mais il du genre coriace, son frère, alors elle se décida à demander :

"Tu n'y vas que pour Alessandra ?"

Elle savait qu'il y avait de grandes chances qu'il l'envoie bouler, en lui expliquant que ce n'était pas ses oignons. En effet, en tant que collaboratrice, non. Mais en tant que soeur, c'était une autre histoire. Elle avait revu Noam depuis et elle n'était pas certaine que renouer le contact entre ces deux-là soit la meilleure solution possible. Allen allait morfler même s'il se contentait de hurler à la figure de l'homme qui l'avait abandonné du jour au lendemain. Finalement, elle soupira et se risqua à poursuivre :

"Si tu y vas pour qui je pense, je ne sais pas si c'est une bonne idée. Déjà, tu es sûr qu'il est toujours à New York ? Et même qu'est-ce qui te dit qu'il n'a pas tracé un trait sur tout ça ? Enfin, je sais pas mais je ne pense pas que ça t'apportera grand chose de régler tes comptes après tout ce temps."

Ou peut-être que si. Mais d'un autre côté, elle craignait qu'il découvre qu'elle l'avait vu déjà plusieurs fois sans lui dire. C'était comme si elle l'avait trahi et elle avait peur de devoir en payer les conséquences aujourd'hui. Tout comme elle paierait un jour les conséquences pour avoir jouer avec le feu en trompant son mari. A croire qu'elle prenait un malin plaisir à foutre son petit monde parfait en l'air.

Vous avais je dit que ma sœur me connaissait mieux que quiconque y compris moi ? Ceci en est la preuve flagrante. Je peux également vous citer le nombre incalculable de fois où j'ai voulu lui organiser des fêtes surprises qu'elle a découvert avant je jour J. Avec beaucoup de monde je peux manipuler, avec beaucoup de monde je suis un menteur hors pair, mais avec elle c'est nettement plus délicat. J'y arrive quand c'est vraiment important, mais je prends sur moi et je fais appel à tous mes talents d'acteurs pour faire passer la bulle sans trop de difficultés. En l'occurrence là, il s'agit de Noam, dossier qu'elle connait sur le bout des doigts car elle était là pour ramasser les pots cassés lorsqu'il est parti et c'est plus ou moins elle qui m'a remis sur pied. Je ne le remercierai jamais assez même si souvent je regrette de lui avoir imposé ça. Je prends ma tête dans mes mains.

« Je savais que tu allais dire ça. Mais j'en ai beaucoup parlé avec le psy mercredi dernier, et il a décrété qu'il fallait justement que je mette un point final à cette histoire et que si je n'étais pas capable de le faire, seul de mon coté, alors il fallait que je me confronte à lui. » Au fur et mesure que les mots sortent de ma bouche je me rend compte que si j'avais entendu une autre personne prononcer ces mots je l'aurais méprisé de toutes mes forces. Je déteste les gens qui se cachent derrière des excuses plutôt que d'assumer leurs vraies envies. Je suis entrain de le faire maintenant et ce n'est pas beau à voir. Je décide de ne pas laisser à Jamie le temps de me faire remarquer à quel point je suis pathétique et commence à me mordiller le pouce en oubliant que je suis face à ma soeur.

« Tu ne vas pas non plus beaucoup aimer ça, mais je l'ai appelé. J'ai cherché son numéro et je l'ai appelé pour qu'on se voit la semaine prochaine. Je sais que tu me conseillerais d'annuler, mais la vérité c'est qu'il faut que je le vois, que je comprenne. ». Que je sache si il a changé, s'il a rasé sa barbe naissante qu'il avait lors de nos derniers moments, s'il est toujours aussi charmant, s'il est en couple, s'il est heureux, si... Jamie me regarde avec les gros yeux, ceux qui signifient qu'elle désapprouve totalement et qu'elle ne le cache pas. Je n'aime pas ce regard, je ne l'aime pas car il me fait me sentir comme un gosse qui est sur le point de se faire disputer pour avoir été pris la main dans le sac après une grosse bêtise. Ce regard que je n'ai jamais été capable de tenir face à Lincoln me fascine et me fait penser au plus profond de moi que ma sœur est une mère géniale et qu'Alex a beaucoup de chance de l'avoir.

« Tu ne vas peut être pas le croire, mais il semblait plutôt content de m'entendre, et on a parlé comme... Comme si on ne s'était jamais quitté. C'est pour ça que je ne comprends pas. On n'était pas le couple parfait, on avait beaucoup d'engueulades mais putain... » Le « on s'aimait comme des fous » ne sort pas. Trop dur, ma trachée le bloque, mes cordes vocales refusent d'entrer en vibration pour énoncer cette vérité crue que je n'ai jamais su dire à haute voix. « Quatre ans, quatre putains d'années, ça va faire bizarre de le revoir je te le garantis. »

Jamie écoutait patiemment Allen parler. Elle se sentait bouillir au fur et à mesure et dut même se mordre la langue pour ne pas l'interrompre. Il avait morflé une fois, ça ne lui suffisait donc pas ? Ok, ils étaient mignons ensemble, c'était peut-être l'homme de sa vie et il était parti alors que tout allait pour le mieux entre eux. Mais bordel, Allen n'était pas prêt à l'affronter, quoiqu'en pense son psy. Malheureusement, il aurait sûrement plus confiance dans les propos d'un incompétent payé 100 dollars de l'heure qu'en sa propre sœur qui voulait juste son bien et connaissait tout de sa vie. Oui, même dans la tête de Jamie ça sonnait mélodramatique alors elle se retint de dire cela à voix haute et fronça simplement les sourcils pour montrer son désaccord. Puis finalement, Allen lança :

"Quatre ans, quatre putains d'années, ça va faire bizarre de le revoir je te le garantis."

C'était le moment, le signe qu'elle pouvait y aller, lui balancer un discours qu'il écouterait mais n'aurait aucun impact sur lui. Il était têtu, elle le savait. Et surtout, manque de chance pour lui, il était certainement toujours aussi amoureux de Noam qu'il y a quatre ans. C'est pour ça qu'il allait morfler. La seule chose qu'elle espérait, c'était qu'il ne se lance pas dans une aventure sans avenir et finisse par souffrir autant qu'il y a quatre ans. Jamie soupira et dit doucement :

"Je sais..."

Elle le fixa un instant, silencieuse. Il devait s'attendre à pire (ou à mieux, ça dépend du point de vue) comme réaction de sa part. Mais son frère lui faisait de la peine alors elle se sentait mal à l'aise de lui faire la morale. D'autant plus que sa vie à elle était loin d'être exemplaire... Après quelques secondes, elle reprit :

"Mais putain, c'est pas une bonne idée. Je comprends que tu aies besoin de comprendre, que tu aies envie de le revoir. Mais qu'est-ce que tu espères au juste ? Qu'il te fasse des excuses ? Qu'il te berce d'illusions ? Coucher avec lui une dernière fois ? Bon dieu, Allen, atterris. Tu n'obtiendras rien de bon en traversant les Etats-Unis pour le retrouver. Ou alors, il faut que tu sois plus fort que ça."

L'agent dévisagea son frère une seconde, semblant lui demander s'il était capable d'être assez fort pour ne pas craquer sur le sourire, les yeux pétillants ou même l'odeur de Noam. Si voir tout cela n'allait pas lui briser le coeur, le replonger dans ses anciens démons. Bordel, elle s'en souvenait comme hier du jour où il avait disparu à New York, du fantôme qu'était devenu son frère alors. Et elle ne voulait pas que ça recommence, voir à nouveau Allen dans un piètre état, le coeur en morceaux. C'était impossible... Elle soupira et releva les yeux pour les ancrer dans les siens, lui demandant simplement :

"Est-ce que tu as encore des sentiments pour lui ?"

Elle attendit quelques secondes sa réponse. Si c'était le cas (et elle était prête à mettre sa main à couper que c'était le cas), alors aller à New York était la pire idée qui soit. D'autant plus que du côté de Noam, il semblait y avoir aussi des sentiments, en plus de la culpabilité d'avoir abandonné Allen aussi lâchement. Bref, ça promettait une réunion au sommet et donc une chute encore plus douloureuse. Quelle idée, vraiment... Elle détourna les yeux, décidant qu'il valait mieux le soutenir plutôt que de le ramasser par la suite, elle lui glissa alors :

"Et tu penses lui dire quoi, au juste ?"

« Allen, atterris. Tu n'obtiendras rien de bon en traversant les Etats-Unis pour le retrouver. Ou alors, il faut que tu sois plus fort que ça."

Ces mots qui sortent de sa bouche me font un bien fou. Elle sait exactement ce que j'ai besoin d'entendre. Je suis disproportionné, déraisonnable, et ce sont mes principaux défauts. J'agis en ensuite je réfléchis, enfin sauf quand j'en parle à ma sœur avant, forcément. Mais en l'occurrence tout est déjà planifié. Je vais partir à NYC dans une semaine et j'ai ce rendez vous prévu que je peux toujours annuler bien sur, mais...

« Franchement je n'y vais pas pour retomber dans les griffes du loup. En fait c'est plutôt l'inverse. Depuis Noam, je n'arrête à pas comparer tous les mecs au souvenir que j'ai de lui. Et je crois que plus le temps passe et plus il s'idéalise. Je crois que je veux juste le revoir pour constater qu'en fait, il n'avait rien de plus qu'un autre. »

Mes mots sonnent faux. Bien sur que depuis qu'il est parti je ne me souvient que de ses qualités qui me manquent plutôt des défauts que je lui reprochait. Cependant, je le sais et je pense Jamie sait que je le sait, il a toujours eu pour moi quelque chose de plus que les autre. C'est surement pour ça qu'elle est si réticente à l'idée que je le revois. Je sais qu'elle a des raisons de s'inquiéter, car si je suis honnête avec moi même, je n'exclue pas la possibilité de recoucher avec lui. Lorsqu'elle me demande si j'ai toujours des sentiments pour lui, je me rend compte que c'est exactement la question à laquelle j'avais évité de répondre jusqu'à présent. Je décide d'esquiver.

« Imagine que Mark te quitte, pourrais tu arrêter de l'aimer, comme ça ? Au même titre qu'Espé il reste quelqu'un d'important pour moi même s'il m'a beaucoup déçu. Et je pense que c'est exactement ce que je vais lui dire. Il m'a déçu et a détruit ma capacité à faire confiance à un mec. Après je vais peut être lui proposer de faire une partouse avec Keith, qu'est ce que tu en penses ? »

J'imagine la scène. Est ce qu'il va me demander si j'ai quelqu'un dans ma vie ? Et est ce que je vais lui dire la vérité. Keith est une passade et je le sais. Il ne va pas faire long feu et plus les jours passent et plus je me lasse de sa compagnie. Lui qui était au début si enthousiaste devient depuis quelque temps très froid et presque désagréable. Si j'avais le temps d'avoir des explications avec lui je lui demanderait ce qu'il en est, mais je n'ai pas le temps en ce moment. Ce soir encore j'ai une soirée de charité au bénéfice de la scolarisation dans les pays du tiers monde. Soudain je capte que j'ai complètement oublié de parler à Jamie de Samuel.

"Au fait, devine qui j'ai croisé avant hier soir dans des toilettes pour hommes le nez plein de poudre magique ? Samuel Lloyd. Du coup je voulais savoir si tu t'en sortais avec lui et surtout s'il y avait encore des raison de s'occuper de lui s'il accorde plus d'importance à son addiction qu'à sa carrière."

Je fais comme si il était un client comme les autres et j'essaye d'oublier le fait qu'il ait été un ami à une période de ma vie.

Jamie écouta son frère parler, tentant de cacher et sa perplexité et son mécontentement. Allen avait une capacité folle à nier l'évidence. Non, je ne traverse pas la moitié du pays parce que je l'aime, simplement parce que je veux discuter avec lui ; non, la disparition de Noam me laisse indifférent, j'ai juste virer salement cette secrétaire parce qu'elle était incompétente ; non, Keith me fait du bien et je suis sûr qu'il n'en veut pas qu'à mon argent, même s'il m'en demande souvent etc etc. Il était presque inutile de tenter de lui ouvrir les yeux, c'était fatiguant mais elle essayait encore et encore, juste pour le confronter à ses paradoxes, en espérant qu'il fasse le bon choix. Qu'il aille à New-York importait au fond peu à Jamie. Ça lui ferait peut-être même du bien de revoir Noam, peut-être qu'il l'oublierait, peut-être qu'il reviendrait en piteux état. Mais le fait était qu'elle voulait bien signifier à son frère qu'elle n'était pas dupe à ce sujet. Il ne lui ferait pas gober des mensonges gros comme des éléphants, ni la ruser à coup de blagues. Ça ne marchait pas sur elle.

Il lui parla de Mark, des sentiments qu'elle pouvait avoir pour lui ou qu'elle aurait encore s'ils se quittaient. Puis il enchaîna sur une partouse imaginaire avec Keith. Jamie grimaça à cette pensée alors que Allen paraissait incroyablement concentré. A tous les coups, il s'imaginait la scène et se demandait ce que penserait Noam de son nouveau "copain". Le truc qu'il semblait oublier, c'était que Noam aussi pouvait avoir trouvé quelqu'un pour remplacer Allen. Elle ouvrit la bouche pour parler mais son frère l'interrompit avec une nouvelle moins plaisante. Samuel Lloyd. Décidément, il n'arrêterait jamais celui-là... Elle soupira et passa une main dans ses cheveux en réfléchissant quelques secondes. Finalement, elle lâcha un sourire légèrement ironique en lançant :

"Figure-toi que je me pose la même question. Tu vois, monsieur ne m'a toujours pas répondu pour le script que je lui ai filé. Je me suis battue pour convaincre tout le monde qu'il conviendrait, qu'il était encore professionnel, qu'il voulait faire son retour. Et je mets ma main à couper qu'il va me le renvoyer en pleine gueule..."

Elle tapota quelques secondes ses doigts sur son bureau. Elle n'aimait pas lâcher les gens, leur faire faux-bond, même les critiquer dans leur dos. Mais ce Samuel avait le don de la faire sortir de ses gonds. Chaque fois qu'elle tentait de l'aider, il semblait la snober. Un parfait Anglais avec un putain d'accent snob. La seule chose qui l'avait sauvé, c'était qu'il était ami avec Allen. Mais il tirait bien trop sur la corde pour que ça reste sans conséquence. Finalement, elle releva les yeux vers son frère et poursuivit :

"Tu sais quoi ? Au fond, la seule chose qui fait qu'il est encore client de l'agence, c'est que vous êtes ou étiez amis. Il nous a rien rapporté depuis quatre ans au moins, pas un contrat, juste des emmerdes. Donc, je considère que le contrat que je lui propose est sa dernière chance. S'il refuse, je m'occupe plus de lui. Tu fais comme tu veux mais bonne chance si tu penses le refiler à quelqu'un d'autre..."

Elle se redressa légèrement en voyant son portable vibrer sur le bureau. Un appel d'un de ses clients. Elle hésita quelques secondes, avant de se laisser retomber dans sa chaise pour sourire à Allen. Il ne lui échapperait pas si facilement, elle pourrait rappeler le client dans cinq minutes. Il n'était certainement pas en danger de mort.

"Mais ne crois pas m'échapper si facilement, Allen. Tu es assez grand pour prendre tes décisions simplement, s'il-te-plaît, ne te fais pas de faux espoirs. Fais attention, je pense que tu te fais des illusions sur ces retrouvailles et ce qui pourrait en découler. Mais amuse-toi bien à New York !"

Elle faillit ajouter "et n'oublie pas de te protéger" mais n'était pas certaine qu'il le prenne bien. Elle lui sourit puis entendit à nouveau son portable vibrer. Elle soupira ; toujours le même. Ne pas le prendre une fois, ça allait, mais deux... L'agent attrapa donc son téléphone pour répondre, tout en adressant un léger signe de la main à Allen pour s'excuser d'interrompre leur conversation.

Nous nous penchons brièvement sur le cas Samuel Lloyd. Bizarrement lorsque je l'ai vu l'autre soir, je n'ai pas reconnu l'homme qui me faisait face. J'ai la désagréable sensation que mon ami d'antan a disparu, effacé par ses démons intérieurs qu'il a laissé prendre le dessus. La drogue, quelle merde je vous jure, ça vous change un homme, et j'ai du mal à croire que n'importe quel centre de désintoxication puisse ramener la personne comme elle était à l'origine. Cependant, je viens d'avoir une idée.

- Jam, si on lui laissant une dernière chance. Bon okay la dernière des dernières que tu lui as donnés ces derniers temps. On lui fout un ultimatum au cul. Soit, il passe 3 mois dans un centre de désintox et à la sortie on l'attend avec des castings, soit son dossier finit dans la broyeuse à papier ce soir même.

Ma sœur acquiesce et je lui signale que je peux m'en charger. Je pense tristement que ce mec ne va pas s'en sortir et que ce genre d'échec participe à freiner la boîte. A vrai dire s'il avait été un client lambda il y a longtemps que son cas aurait finis dans les mains d'un de nos subalternes. Lorsque notre conversation est interrompue par le téléphone de ma sœur, je comprend qu'il est temps que je me mette au travail.

- Bah, écoutes, je vais à New York dans tous les cas, et puis je vois ce que ça donne. Je suis peut être déraisonnable la plupart du temps mais je sais comment ça a finit et je ne suis pas débile ni sadomasochiste.

Lorsque son téléphone sonne à nouveau elle décide de répondre et je me lève. J'articule silencieusement la phrase « Samedi, huit heure, à la maison ». Je fais le tour de son bureau et l'embrasse sur le front, et décroche un post-it et réécris « samedi 8h dîner chez Allen ». J'essaye de lui coller dessus mais elle se débat en essayant de garder sa contenance au téléphone et je finis par coller le petit bout de papier sur son écran d'ordinateur avant de m 'éclipser pour la laisser tranquille. Ces petits moments privilégiés font que j'aime vraiment travailler avec elle. Nous sommes rarement en désaccord et lorsque ça arrive nous sommes les champions du compromis. N'importe qui pourrait croire qu'avec mon tempérament elle aurait le rôle de la sœur soumise mais c'est sans connaître le caractère bien trempé et obstiné de Jamie. Bien moins dans l'excès et dans la démonstration que moi elle n'en est pas moins redoutable. Notre duo est assez infaillible et je ne l'échangerais pour rien au monde, elle est la meilleure sœur que je puisse imaginer et en plus la meilleure associé. Je vous dit, côté famille j'ai été plutôt gâté.

Je sors du bureau et je vais faire le point avec l'une des responsable de presse. Je continue à vivre ma journée comme d'habitude en essayant de ne pas penser à l'échéance qui se rapproche en même temps que la date de mon départ pour la grosse pomme...

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